Alimentation et prise de poids durant la transition de la ménopause
MENOPAUSE : DES RECOMMANDATIONS NUTRITIONNELLES SPECIFIQUES ?
La ménopause est un processus physiologique survenant chez les femmes entre 45 et 55 ans. En France, l’âge moyen de la ménopause est estimé à 51 ans et cette transition contribue à une augmentation des risques de fractures d’ostéoporose, des maladies cardiovasculaires et à l’obésité du fait de la diminution de l’imprégnation hormonal en progestérone puis en œstrogènes. Ces risques peuvent être en partie prévenus par une alimentation équilibrée et une activité physique régulière.
L’ANSES (agence de santé française délivrant les recommandations nutritionnelles et de santé) a mis à jour les recommandations nutritionnelles pour les adultes et les personnes âgées. Elles concernent les femmes dès la ménopause et les hommes après 65 ans.
Les recommandations nutritionnelles pour la population adulte sont parfaitement adaptées aux femmes ménopausées. On insistera particulièrement sur la prévention de la déminéralisation osseuse.
Les agences sanitaires à l’étranger ne portent pas de recommandations nutritionnelles spécifiques pour cette population également.
En 2014, le premier chapitre du Journal d’Obstétrique et de Gynécologie du Canada a proposé des recommandations destinées cette population. Les auteurs orientent les femmes ménopausées vers le guide alimentaire national canadien et reprennent les recommandations adressées aux femmes adultes de 51 à 70 ans qui sont les suivantes :
– consommer quotidiennement sept portions de légumes et de fruits en limitant les jus et en variant les couleurs, six portions de féculents dont au moins la moitié à base de céréales complètes, trois portions de produits laitiers pauvres en graisses (ou substituts végétaux enrichis en calcium), deux portions de viande ou substituts (œufs, poissons, à raison d’au moins deux par semaine, mais aussi les substituts végétaux comme les légumineuses ou le tofu) ;
– diminuer le sodium et les sucres simples dans les aliments issus des groupes précédents ainsi que remplacer les graisses saturées et trans par les graisses insaturées ;
– assurer une supplémentation en vitamine D pour tous en raison du faible ensoleillement hivernal et une supplémentation en calcium pour les femmes de plus de 50 ans ;
– maintenir un poids sain (IMC < 25 kg/m² et tour de taille < 88 cm) ;
– pour les femmes de 18 à 64 ans, pratiquer au moins 150 minutes d’exercice physique d’intensité moyenne à vigoureuse par semaine en sessions de 10 minutes.
A partir d’un certain âge, les risques de cancer, de maladie cardio vasculaire et d’ostéoporose augmentent.
Pour réduire les risques de cancer, sont mis en avant la consommation quotidienne de légumes (au moins la moitié de l’assiette), la maîtrise des apports caloriques, l’activité physique régulière, la limitation de la consommation de viande rouge et de viande transformée, ainsi que l’arrêt ou la réduction du tabagisme.
Pour prévenir les fractures liées à l’ostéoporose, l’exposition au soleil ou la complémentation en vitamine D, la couverture des besoins en calcium par les produits laitiers ou les produits végétaux enrichis en calcium ainsi que les poissons en conserve (sardines consommées avec leurs arêtes, maquereau et saumon) sont recommandés.
Enfin, afin de prévenir les risques cardiovasculaires augmentés chez les femmes à partir de la ménopause, les auteurs soulignent l’importance de veiller à limiter les apports en sel et sucre simple, à favoriser des apports équilibrés en lipides et suffisants en fibres, à pratiquer une activité physique et surveiller son poids.
Conclusion : Les repères nutritionnels pour la population adulte permettent d’atteindre les objectifs nutritionnels pour tous les nutriments chez les femmes ménopausées et les plus de 65 ans. En revanche, ces recommandations nécessitent de légers ajustements du fait notamment de la diminution de la dépense énergétique de repos favorisant la prise de masse grasse et ses conséquences possibles pour la santé métabolique et cardiovasculaire.
PRISE DE POIDS ET MENOPAUSE
QUELQUES DEFINITIONS :
Ménopause : Elle est reconnue survenir après 12 mois d’aménorrhée en raison de l’épuisement des follicules ovariens, entraînant une diminution presque complète mais naturelle de la sécrétion d’hormones ovariennes.
Préménopause : Terme utilisé pour désigner toute la période de reproduction, jusqu’à la dernière période menstruelle.
Périménopause (ou transition de la ménopause) : Période immédiatement avant et jusqu’à 1 an après la dernière période menstruelle. La périménopause dure en moyenne 4 ans et se caractérise par des cycles menstruels irréguliers, des changements endocriniens et des symptômes tels que des bouffées de chaleur qui peuvent affecter la qualité de vie (QV) d’une femme.
Les femmes observent une prise de poids durant la ménopause, ou plus précisément dans la période de périménopause. Cette prise de poids se fait au profit de la masse grasse corporelle et en particulier abdominale. Celle-ci peut être attribuée au vieillissement physiologique qui contribue à réduire la dépense énergétique de repos mais également au processus même de la ménopause et donc au vieillissement ovarien. Il semble également certain que la sédentarité au cours de la quarantaine est associée à un risque 2 fois plus élevé de surpoids/obésité.
Plusieurs études se sont penchées notamment sur la variation de composition corporelle durant la période de transition de la ménopause jusqu’à l’installation de la ménopause. Voici en synthèse les éléments relevés de l’étude SWAN qui a étudié les variations de la composition corporelle dans la cohorte de près de 1250 femmes :
- Avant la périménopause, on observe une augmentation de la masse maigre (+0,06kg/an) (+ muscles/organes) ET de la masse grasse (+0,25kg/an)
- Au début de la période de périménopause (qui survient 4 ans en moyenne avant la ménopause), la masse grasse augmente de 0,45kg/an, tandis que la masse maigre diminue (-0,06kg/an). Ce phénomène s’accélère 1 an avant la dernière période menstruelle et perdure jusqu’à 2 ans après la dernière période menstruelle.
En conséquence, on observe une prise de poids linéaire pendant la préménopause (au profit de la masse grasse et au dépend de la masse maigre) avec une accélération 1 an avant la dernière période menstruelle. Au total, on peut considérer qu’à partir du début de la périménopause jusqu’à 2 ans après l’installation de la ménopause (soit étalés sur 6 années), la prise de poids de masse grasse peut atteindre +3 kg. Couplé à une diminution de la masse maigre, l’aspect physique semble plus « adipeux ». La prise de poids totale visible sur la balance sera donc moins perceptible.
NB :
Le phénomène de prise de poids et de changement corporelle est variable toutefois suivant les ethnies. Il est moins marqué chez les femmes d’origine asiatique.
Un âge plus élevé à la dernière période menstruelle semble atténuer la prise annuelle de masse grasse
Le traitement hormonal substitutif pris en post ménopause n’ont pas affectés les trajectoires de prise de poids.
BESOINS NUTRITIONNELS ET MENOPAUSE
Les besoins en protéines augmentent avec le vieillissement, car les muscles synthétisent moins facilement les fibres musculaires. Les études semblent démontrer que des apports en protéines plus élevés sont corrélés à une masse maigre plus élevée, une meilleure fonction physique et à un plus faible risque de fragilité. Toutefois, les sociétés savantes ne concluent pas à la nécessité d’augmenter les apports en protéine et affirment que les recommandations habituelles pour la population suffisent (qui sont de 0,8g/kg).
Les études convergent principalement vers l’intérêt du régime méditerranéen dans la prévention de la perte de masse maigre car ce régime combine des nutriments qui agissent ensemble pour préserver les muscles. Sont mis en avant la présence d’antioxydants comme le bêta-carotène, ainsi que les vitamines C et E qui protègent des effets délétères du stress oxydatif, et du magnésium qui améliore le métabolisme énergétique, le transport transmembranaire et la fonction des muscles squelettiques.
Concernant la santé osseuse : Un apport adéquat en calcium, vitamine D, vitamine K, sélénium, magnésium et bêta-carotène pourrait être lié à une meilleure densité minérale osseuse chez les femmes ménopausées. Plusieurs études d’observation et interventionnelles auprès de femmes âgées, ménopausées ou atteintes d’ostéoporoses semblent montrer également que l’adhésion au Régime méditerranéen, riche en une grande combinaison de nutriments, a un effet protecteur de la santé osseuse.
ALIMENTS LES PLUS RICHES EN MICRONUTRIMENTS PROTECTEURS DE LA SANTE MUSCULAIRE ET OSSEUSE à intégrer à vos menus
PREVENIR LA PRISE DE POIDS, les risques métaboliques, et perdre du poids durant la période de ménopause avec un régime adapté
Chez les femmes ménopausées, la flexibilité métabolique diminue (= la capacité qu’ont les cellules à déterminer quels nutriments des glucides ou lipides seront convertis en énergie) en raison de la réduction des œstrogènes et d’avantage de graisse s’accumule autour des organes vitaux et du ventre. Cette prise de masse grasse intra abdominale augmente encore plus avec la sédentarité.
L’augmentation de la masse grasse abdominale centrale, associée aux modifications des bilans sanguins lipidiques (augmentation des taux de cholestérol LDL et de triglycérides) et à l’augmentation de la pression artérielle qui surviennent durant la transition de la ménopause sont également des facteurs de risques métabolique et cardiovasculaire. Une alimentation riche en glucides (>55% des apports caloriques) accentue également le risque cardiovasculaire.
Dans l’objectif de réduire les risques métaboliques inhérents à la prise de poids et au développement de l’obésité durant la ménopause, il devient important de chercher à perdre cet excès de poids.
QUEL REGIME ?
De multiples études tentent depuis longtemps d’élucider quel est le meilleur régime alimentaire possible pour perdre du poids (au-delà de la simple restriction calorique), cependant les résultats sont discordants.
Malheureusement, et pour contredire tous les témoignages des professionnels de santé ou des usagers affirmant que leur régime est le plus efficace, il n’existe pas de résultats et de consensus scientifique sur le sujet ; Il n’existe jusqu’à présent aucune preuve d’une supériorité d’une combinaison des macronutriments (Protéine/Lipides/glucides) par rapport à une autre, spécifiquement sur la perte de poids. Cependant, certains modèles et choix alimentaires semblent prometteurs et efficaces.
Bien qu’un régime pauvre en glucides (40% de l’apport calorique au lieu de 50%) n’ait pas plus d’influence qu’un régime normal sur la masse grasse corporelle, les résultats des études cliniques sont différents lorsqu’on utilise un régime riche en grains entiers (riche en fibres) ou un régime à Index Glycémique bas (IG<55).
En conclusion la qualité des glucides (sucres) plus que leur quantité permet d’obtenir des résultats favorables sur la masse grasse.
RAPPELS PHYSIOLOGIQUES
Effets de la consommation de grains entiers : la consommation de grains entiers permet d’avoir des effets positifs sur le métabolisme au repos et l’excrétion d’énergie dans les selles, ce qui influence favorablement le bilan énergétique.
Effets des repas à IG bas vs IG élevé : La réponse du pancréas à une charge glycémique élevée et une hyperglycémie produit une intense sécrétion d’insuline. Cette intense sécrétion d’insuline abaisse rapidement la glycémie et provoque en compensation la faim et la suralimentation.
Il existe également certaines preuves d’une efficacité des régimes pauvres en graisses (<20% de l’énergie) ainsi que du régime méditerranéen, (associé ou non à une diminution des apports caloriques), comparativement à d’autres régimes sur la réduction du tour de taille et du poids. Le point commun de ces 2 régimes sont des apports en végétaux plus importants (fruits, légumes et céréales) qui contiennent des fibres.
RAPPEL DE LA COMPOSITION DU REGIME MEDITERRANEEN
Alimentation basée sur la consommation accrue de céréales complètes, de noix, de fruits, de légumineuses, de produits laitiers entiers et d’huile d’olive, et une consommation plus faible de boissons sucrées
RESUMES DES CONSEILS ALIMENTAIRES DURANT LA MENOPAUSE
La prise de masse grasse abdominale et la diminution de masse maigre musculaire et osseuse est quasi inéluctable durant la période de périménopause. Cette période se traduit par une fonte musculaire, une fragilité osseuse, une augmentation des risques cardio-vasculaires, en lien avec les modifications hormonales et l’augmentation des triglycérides et cholestérol.
On peut considérer que la prise de poids moyenne durant cette période est de 3 à 4 kilos et elle est accentuée par une réduction de l’activité physique (ou augmentation de la sédentarité) au détour de la quarantaine.
A la fois pour prévenir la perte de masse maigre, prévenir le gain de masse grasse abdominale (ou la diminuer) et réduire les différents problèmes de santé dont les risques augmentent à la ménopause, l’adoption d’un régime de type méditerranéen hypocalorique est particulièrement intéressant. La sélection des aliments glucidiques sur des critères de fibres et d’Index Glycémique sont également des gestes prioritaires à adopter. La réduction des apports glucidiques associé à un régime plus riche en graisse ne permet pas d’obtenir des résultats intéressant sur la perte de masse grasse et ne doit pas être recommandée.
BILAN DES RECOMMANDATIONS POUR LIMITER LA PRISE DE POIDS ET PREVENIR LES PROBLEMES DURANT LA MENOPAUSE
- Maintenir ou mettre en place une activité dès la quarantaine
- Adopter un régime de type méditerranéen (protection osseuse, musculaire, prévention de prise de masse grasse)
- Eviter les régimes restreints en glucides (<40% des apports caloriques) et riches en graisse
- Maintenir un apport suffisant en protéines (0,8g/kg suffisent)
- Adopter un régime à IG bas et riche à grains entiers
- Adopter un régime riche en végétaux
- Réduire l’apport calorique d’environ 30% des besoins (1200 à 1500 kcal) pour perdre du poids en cas de surpoids ou obésité
- Assurer les besoins en calcium, Vit D, magnésium, antioxydants (à travers le régime méditerranéen associé à une complémentation alimentaire si nécessaire)
MENOPAUSE ET BOUFFES DE CHALEUR (ou troubles vasomoteurs)
Les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes et la sécheresse vaginale sont les principaux symptômes accompagnant la ménopause. Il existe des traitements hormonaux pour traiter ces symptômes mais certaines femmes n’y sont pas éligibles, ou compte tenu des risques connus bien que faibles, à l’usage de l’HT, préfèrent une approche plus « naturelle » à base de plantes. Ces approches alternatives sont-elles vraiment efficaces ?
Les produits les plus utilisés chez les femmes sont les suivants :
Les Phyto oestrogènes
Herbes médicinales chinoises
Huile d’onagre
L’actée à grappe
Les acides gras oméga 3
L’efficacité de ces différents produits ont été scientifiquement étudiés, des revues et méta-analyses ont compilé les résultats des essais cliniques.
Dans l’ensemble ces résultats sont plutôt incohérents entre eux, parfois nuls, insuffisamment étudiés, insuffisamment prouvés ou d’effet modeste tant sur la diminution de l’intensité ou de la fréquence des symptômes. Il ne semble pas exister de plante qui se démarque pour diminuer significativement les symptômes gênants de la ménopause.
D’autres approches ont été étudiées comme la relaxation, le yoga, l’hypnose, l’acuponcture ou l’exercice physique, mais là aussi les résultats sont décevants.
Les conclusions de cochrane (qui établit des synthèses des données probantes des recherches en santé) ainsi que celles des auteurs de la revue d’études Hormone Therapy and Other Treatments for Symptoms of Menopause parus dans l’Américan Familiy Physician (AAFP) vont dans le même sens :
« Il n’y a aucune preuve cohérente et de haute qualité que le yoga, la respiration rythmée, l’acupuncture, l’exercice, la réduction du stress, la thérapie de relaxation et les thérapies alternatives telles que l’actée à grappes noires, les produits botaniques, les suppléments d’acides gras oméga-3 et les herbes diététiques chinoises profitent davantage aux patientes que le placebo. Une revue systématique suggère une amélioration modeste des bouffées de chaleur et de la sécheresse vaginale avec les produits à base de soja, et de petites études suggèrent que l’hypnose clinique réduit considérablement les bouffées de chaleur. » AAFP
Article écrit par Katia Tardieu, diététicienne nutritionniste – septembre 2021 à l’appui des ressources disponibles à ce jour.
SOURCES
Clinical Practice Guidelines on Menopause: *An Executive Summary and Recommendations: Indian Menopause Society 2019–2020
Changes in body composition and weight during the menopause transition (March 7, 2019)
Nutrition in Menopausal Women: A Narrative Review (Published: 23 June 2021)
ANSES : actualisation des repères alimentaires du PNNS pour les femmes dès la ménopause et les hommes de plus de 65 ans
SOURCES
– Use of Plant-Based Therapies and Menopausal Symptoms A Systematic Review and Meta-analysis -JAMA. 2016;315(23):2554-2563
– Chinese herbal medicine for menopausal symptoms – Version published: 15 March 2016
– Black cohosh (Cimicifuga spp.) for menopausal symptoms – Matthew J Leach, Vivienne Moore, sept 2012
– Phytoestrogens for menopausal vasomotor symptoms – Anne Lethaby Jane Marjoribanks Fredi Kronenberg-Helen Roberts-John Eden-Julie Brown – dec 2013
– Nonhormonal therapies for menopausal hot flashes: systematic review and meta-analysis
– The efficacy of Iranian herbal medicines in alleviating hot flashes: A systematic review
– Menopausal Hot Flashes: A Concise Review
– https://www.aafp.org/afp/2016/1201/p884.html :Hormone Therapy and Other Treatments for Symptoms of Menopause
– https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8102809/ :The Effect of Evening Primrose Oil Capsule on Hot Flashes and Night Sweats in Postmenopausal Women: A Single-Blind Randomized Controlled Trial