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Nutrition et halitose : les liens entre alimentation et mauvaise haleine

21 mai 2022

 

J’ai choisi de faire cet article à la suite d’une consultation récente pour ce motif. Ce n’est pas la première fois qu’un consultant me contacte pour cela, mais à l’époque je ne savais pas vraiment comment me renseigner sur le sujet et apporter des réponses sur la base de preuves scientifiques suffisantes.

Voici donc ce que m’apprends la littérature scientifique sur les causes possibles de l’halitose/mauvaise haleine, les possibilités de « soin » et les conseils diététiques pour les causes alimentaires de l’halitose.

 

 

Définition et origine de l’halitose :

L’halitose ou mauvaise haleine est définie comme une odeur désagréable qui émane de la cavité buccale.

 

Ses origines sont intra-buccales (dents, salive, gencives, langue..) et/ou extra-buccales (estomac, intestin, foie, voies respiratoires, alimentation, tabac, alcool, médicaments).

La prévalence est estimée à un peu plus de 30% à 50% (selon les sources). La cause principale est à 90 % intra-orale provoquée par les problèmes dentaires (parodontite et caries).

 

La mauvaise haleine est liée à la présence de substances volatiles qui sont détectables dans l’air expiré. Il s’agit souvent de composés sulfurés qui sont issus des processus de dégradation des molécules organiques par les bactéries de la bouche.

Ces bactéries dégradent différents composés présents dans la cavité buccale (glucose, les mucines, les protéines présents dans la salive, le liquide créviculaire gingival, les tissus mous buccaux et les débris alimentaires) en produisant des composés odorants.

Cette dégradation est un phénomène parfaitement normal, qui peut être excessif en lien avec un excès de bactéries spécifiques produisant ces gazs sulfurés volatiles.

 

 

Diagnostique et évaluation de l’halitose

Mauvaise haleine réelle ou perçue ? c’est une grande question à laquelle il est parfois difficile de répondre. Si il est possible de demander à ses proches ou amis quelle perception ils ont de notre haleine, la demande est délicate et peut être non objective. Quant à l’autoperception de son haleine, elle n’est pas forcément fiable, en particulier pour le phobique de la mauvaise haleine.

 

Il existe toutefois plusieurs outils de mesure diagnostique de la mauvaise haleine :

 

  • Mesure organoleptique (évaluation avec le nez par un examinateur selon un protocole précis et une échelle de mesure de 0 à 5)
  • Mesure des gazs pour mesurer objectivement la concentration des composés volatils soufrés dans l’haleine, la salive ou la langue
  • Le test BANA qui consiste à rechercher la présence de bactérie spécifiques à l’origine de la maladie parodontale grâce à un prélèvement déposé sur une bandelette qui sera incubée
  • Le test d’incubation salivaire qui consiste à prélever de la salive qui sera incubée puis testée par un examinateur qui sentira l’échantillon

 

Facteurs à l’origine possible de l’halitose à investiguer, qui consulter ? :

 

Plusieurs pistes sont à explorer afin d’identifier la cause de l’halitose : l’hygiène et problèmes bucco dentaires, les troubles d’origine digestifs et les causes ORL, les causes alimentaires, le microbiote buccal.

Des médicaments, et d’autres pathologies (métaboliques, hormonales) peuvent provoquer une halitose.

La pseudo halitose et l’halitophobie (ou peur excessive de la mauvaise haleine), faisant référence aux patients qui se plaignent d’avoir une mauvaise odeur buccale qui n’existe objectivement pas ou plus. Nécessite parfois un accompagnement psychologique.

 

Les professionnels à consulter en cas d’halitose

 

Le dentiste/ le stomatologue pour détecter les problèmes buccodentaires

L’ORL pour dépister les maladies et infections des voies respiratoires

Le gastro entérologue pour diagnostiquer les symptômes et maladies gastro intestestinales

La diététicienne pour équilibrer l’alimentation, favoriser une perte de poids, réduire les reflux, traiter l’obésité

Le psychologue pour accompagner l’halitophobie

 

 

Les Causes principales possibles de l’halitose

 

Les bactéries de la bouche et l’hygiène bucco-dentaire :

La cavité buccale peut être colonisée par plus de 500 espèces bactériennes différentes et de nombreuses bactéries sont capables de produire des composés sulfuriques volatils (CSV). Les profils du microbiote et des métabolites libérés par le microbiote est relativement différents entre les groupes de patients souffrant d’halitose et les patients témoins.

Le nombre accru de ces bactéries ou leur rétention notamment à la surface de la langue favorise l’augmentation de la production de gaz sulfureux à l’origine de la mauvaise odeur, et certaines bactéries en sont particulièrement productrice à partir des acides aminés soufrés (méthionine, cystéine).

Lors d’une hygiène bucco-dentaire insuffisante, les débris alimentaires et la plaque bactérienne dentaire s’accumulent sur les dents et la langue, à l’origine de carie ou d’inflammation des gencives provoquant des odeurs spécifiques.

 

Une bouche trop sèche :

La salive agit comme un agent de nettoyage en limitant le nombre de bactéries de la cavité buccale. La réduction du flux salivaire augmente donc le nombre de bactéries et le nombre de composés soufrés est augmenté.

Une hydratation insuffisante, la prise de certains médicaments, la radiothérapie et la chimiothérapie, réduisent la production de salive.

 

Le tabac : Le tabac peut probablement être une cause d’halitose. La cause supposée est soit par la fumée de cigarette altérant l’équilibre des populations microbiennes et des niches dans la plaque sous-gingivale, soit par une augmentation du nombre absolu de bactéries productrices de composés sulfuré volatiles.

 

Le tube digestif : il existe un lien entre l’halitose et le tractus gastro intestinal. Le reflux gastro oesophagien, la hernie hiatale ou tout autre cause de rétention du bol alimentaire dans le tractus digestif, l’infection à helicobacter Pilori, l’ulcère gastrique, certaines maladies hépatiques (foie) peuvent provoquer une halitose.

 

Le système ORL : La sinusite, l’amygdalite, la bronchite ou autres pathologies des bronches, des poumons et des voies respiratoires peuvent être une cause d’halitose.

 

La prise de médicaments : certains médicaments favorisent la sécheresse de la muqueuse buccale. Les médicaments fortement liés au le développement de l’halitose sont : les antihistaminiques, les antidépresseurs, les diurétiques, les antiparkinsoniens, les anticonvulsivants, les antipsychotiques (benzodiazépines, phénothiazine, inhibiteurs de la MAO, tranquillisants et sédatifs) et les médicaments qui réduisent l’appétit et préviennent les vomissements.

 

 

HABITUDES ALIMENTAIRES POUVANT PROVOQUER LA MAUVAISE HALEINE

 

L’hydratation : une bouche trop sèche favorise la multiplication des bactéries intrabuccales. Il est utile de s’hydrater pour maintenir un bon flux salivaire.

 

Le petit déjeuner : Dans une étude chez des étudiants au Japon, la prise du petit déjeuner était un facteur réduisant l’halitose.

 

Les graisses : régime riche en matières grasses augmente la fréquence de la relaxation du sphincter œsophagien inférieur (SIO), tant chez les adultes en bonne santé que chez les patients souffrant de reflux gastro-œsophagien, ce qui augmente encore le risque et la gravité de l’halitose.

 

L’excès de sucre et de protéines : Les acides aminés contenant du soufre sont libérés lors de la décomposition des aliments riches en sucres et en protéines. Ils sont ensuite métabolisés par des bactéries capables de produire des composés sulfurés volatils.

 

Les produits laitiers : La décomposition des protéines des produits laitiers dans la bouche entraine la libération d’acides aminés soufrés et décomposés par les bactéries en libérant des composés volatiles sulfurés.

 

L’ail, l’oignon et les aliments épicés provoquent des odeurs désagréables passagères, la consommation d’ail cru favorise l’exhalation de gaz sulfuriques par les poumons.

 

Le surpoids/ l’obésité : On trouve également une association entre halitose et obésité, souvent relié à un reflux gastro oesophagien. Un IMC élevé peut également être à l’origine d’apnées du sommeil qui favorise la sécheresse buccale et multiplication des bactéries intrabuccale.

 

L’alcool : La consommation d’alcool est un autre facteur de risque potentiel de mauvaise haleine. Il a été constaté que les buveurs d’alcool chroniques ont un type d’haleine unique qui peut résulter de l’oxydation de l’alcool dans la bouche et le foie, produisant de sous-produits odorants. L’alcool peut également provoquer une hyposalivation et une bouche sèche. Il  favorise également la relaxation du sphincter œsophagien inférieur.

 

 

MASQUER l’halitose

Le chewing-gum et les produits à base de menthe, les dentifrices, les bains de bouche et les sprays diminuent les mauvaises odeurs buccales.

Les bains de bouche contenant du dioxyde de chlore et des sels de zinc ont un effet substantiel sur le masquage de l’halitose.

 

TRAITER l’halitose 

1/ Identifier l’origine (dentaire, ORL, gastro, diet, autre)

2/ Assurer une excellente hygiène bucco dentaire (brossage, fil et brossettes) et surtout brosser la langue

3/ Arrêter de fumer si c’est le cas

4/ Equilibrer l’alimentation, limiter la quantité de graisses, de protéines ou de boissons alcoolisées

5/ Eviter l’ail, l’oignon, les épices

6/ Boire suffisamment pour générer un flux de salive

7/ Perdre du poids en cas d’IMC trop important

8/ Mais aussi : traiter les éventuels problèmes bucco dentaires, les caries, la plaque dentaires, le tartre, traiter les pathologies et infections des voies respiratoires et gastrointestinales

9/ Envisager la prise de probiotiques

Il n’existe pas de preuves de hautes qualités ni les conséquences à long terme concernant l’usage de probiotiques contre l’halitose chez l’homme. Toutefois leur utilisation permet de réduire le nombre de bactéries responsables des caries et des maladies parodontales. Par exemple, il a été démontré que la consommation quotidienne de comprimés contenant le probiotique Lactobacillus salivarius WB21 aide à contrôler les mauvaises odeurs buccales.  Dans une autre étude, la consommation de deux comprimés par jour de probiotique Streptococcus salivarius M18 pendant 1 mois par des patients portant des attaches orthodontiques a considérablement réduit les taux de CSV au suivi de 3 mois.

 

SOURCES SCIENTIFIQUES

  • Jo JK, Seo SH, Park SE, Kim HW, Kim EJ, Na CS, Cho KM, Kwon SJ, Moon YH, Son HS. Identification of Salivary Microorganisms and Metabolites Associated with Halitosis. Metabolites. 2021 Jun 7;11(6):362. doi: 10.3390/metabo11060362. PMID: 34200451; PMCID: PMC8226648
  • Armstrong BL, Sensat ML, Stoltenberg JL. Halitosis: a review of current literature. J Dent Hyg. 2010 Spring;84(2):65-74. Epub 2010 Mar 19. PMID: 20359417.
  • Halitosis: prevalence, risk factors, sources, measurement and treatment – a review of the literature J Wu,RD Cannon,P Ji,M Farella,L Mei
  • Porter SR. Diet and halitosis. Curr Opin Clin Nutr Metab Care. 2011 Sep;14(5):463-8. doi:10.1097/MCO.0b013e328348c054. PMID: 21673571.
  • Halitosis – a common medical and social problem. A review on pathology, diagnosis and treatment
  • The aetiology and treatment of oral halitosis: an update Hong Kong Med J 2004
  • Aylıkcı BU, Colak H. Halitosis: From diagnosis to management. J Nat Sci Biol Med. 2013;4(1):14-23. doi:10.4103/0976-9668.107255
  • Oral malodor in Special Care Patients: current knowledge
  • Silva MF, Leite FRM, Ferreira LB, Pola NM, Scannapieco FA, Demarco FF, Nascimento GG. Estimated prevalence of halitosis: a systematic review and meta-regression analysis. Clin Oral Investig. 2018 Jan;22(1):47-55. doi: 10.1007/s00784-017-2164-5. Epub 2017 Jul 4. PMID: 28676903.

 

 

Article écrit par Katia Tardieu diététicienne nutritionniste