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Arrêt du tabac et prise de poids

19 juin 2021

Prise de poids et arrêt du tabac

Je vois régulièrement en consultation des patients cherchant à observer une meilleure alimentation avant de débuter un sevrage tabagique, car il est reconnu « qu’arrêter de fumer favorise la prise de poids » : que se passe t’il lorsqu’on arrête le tabac ? Y a-t-il des solutions pour éviter de prendre du poids ?

 

La prise de poids est-elle inéluctable à l’arrêt du tabac ?

Il semble malheureusement presque certain que l’arrêt du tabac entraînera une prise de poids entre 3 mois et 1 an après l’arrêt. Si tout va bien, elle ne devrait pas être conséquente, mais peut devenir problématique lorsqu’il existe déjà un surpoids, une obésité ou si la prise de poids est plus importante que la moyenne. Cette prise de poids est d’ailleurs l’une des raisons évoquées pour ne pas cesser de fumer. Pourtant, les bénéfices de l’arrêt du tabac dépassent les risques liés à l’augmentation du poids.

Les fumeurs pèsent en moyenne 4 à 5kg de moins que les non-fumeurs

Les fumeurs ont un poids plus bas car fumer fait maigrir pour plusieurs raisons :

 

1/ L’effet de la nicotine sur le métabolisme de repos et la graisse corporelle

La nicotine réduit le poids corporel en augmentant le taux métabolique de repos (la dépense calorique de l’organisme lorsqu’il « dort ») tout en atténuant l’augmentation attendue de l’apport alimentaire en réponse à l’augmentation du taux métabolique.

En effet, le poids corporel est déterminé par l’équilibre entre l’apport calorique et la dépense énergétique quotidienne (elle-même déterminée par le taux métabolique au repos, l’activité physique et les effets thermiques de la nourriture (car oui digérer les aliments brûle des calories). Dans les conditions de régulation normales de l’équilibre énergétique, une augmentation de la dépense de repos s’accompagne naturellement d’une augmentation de l’appétit et donc des apports alimentaires. La nicotine inhibe cette régulation.

Le tabagisme augmente la dépense énergétique d’environ 10 % par jour ce qui correspond à une dépense de 200 kcal supplémentaires (pour des besoins caloriques moyens de 2000 kcal par jour) – Ces 200 kcal brûlés quotidiennement par l’organisme correspondent basiquement à une perte de 10 kg sur un an.

La nicotine augmente la lipolyse du tissus adipeux (dégradation des graisses), ce qui explique que la masse grasse des fumeurs soit plus faible. Paradoxalement, fumer provoque une modification de la répartition corporelle des graisses au profit du ventre. La masse grasse viscérale (autour des organes centraux situés dans le ventre) est proportionnellement plus élevée ce qui provoque une insulino résistance chez le fumeur et des conséquences sur la santé à long terme. Lorsqu’il existe une insulino résistance, la production d’insuline par le pancréas n’est pas efficace et l’organe doit alors en produire d’avantage pour permettre l’utilisation du glucose par les cellules de l’organisme, ce qui épuise l’organe et fait potentiellement le lit du diabète de type 2. L’insulino résistance est également un facteur de risque cardio-vasculaire.

 

2/ L’effet de la nicotine sur la régulation du système nerveux central, des centres de la faim et du système de récompense

Il est suggéré que la nicotine pourrait augmenter les effets de la leptine (l’hormone de la satiété) dans le cerveau ainsi que sur les hormones produites par le système nerveux central (noradrénaline, dopamine et/ou sérotonine) qui suppriment l’appétit et facilitent la perte de poids.

La nicotine agit sur le système endocannabinoïde influençant la prise alimentaire et les comportements liés à l’appétit. Elle intervient aussi dans les circuits de récompense du cerveau renforçant l’effet gratifiant du tabagisme.

 

3/ La nicotine et le tabagisme exercent un contrôle des comportements alimentaires

La nicotine permet également de réprimer certains comportements alimentaires excessifs ou compulsifs qui se révèleraient en l’absence du tabagisme.

 

4) Les fumeurs ont tendance à adopter des comportements alimentaires plus caloriques et délétères à la santé

 Une méta analyse portant sur plusieurs publications portant sur les habitudes alimentaires de fumeurs de plusieurs pays ont montré les points suivants :

  • Leur apport calorique, en graisses saturées, en cholestérol et en alcool étaient plus élevés
  • Les apports en graisses polyinsaturées (bonnes pour le système cardiovasculaire), en fibres, en vitamine C, en vitamine E et en B carotène étaient plus bas.

 Ces choix alimentaires, en plus d’être propices aux maladies cardiovasculaires et aux cancers sont également plus propices à favoriser une prise de poids au moment du sevrage, d’autant plus si leur consommation est exacerbée par le manque de nicotine.

 

La prise de poids liée au sevrage tabagique

La majeure partie de la prise de poids s’observe dans les 6 mois (en particulier les 3 premiers mois) qui suivent l’arrêt du tabac, jusqu’à environ 1 an du sevrage. La prise de poids est de +4 kg en moyenne (mais 13% de ceux qui cessent de fumer gagnent plus de 10 kg), et elle semble plus importante chez ceux qui arrêtent de fumer plus jeunes et ceux qui fument plus de 15 cigarettes par jour.

La prise de poids se fait au bénéfice de la masse grasse.

Avec l’arrêt du tabac tous les effets de la nicotine sur le métabolisme de repos, le contrôle de l’appétit et des comportements disparaissent. Parce que fumer est souvent considéré comme un moyen de contrôler l’appétit et le poids, arrêter de fumer signifie l’absence de cette stratégie de contrôle, sans compter que les choix alimentaires spontanés du fumeur sont habituellement plus caloriques et peu propices au maintien d’un poids optimal.

L’appétit augmente, la quantité calorique ingérée spontanément augmente proportionnellement (+200 kcal par jour en moyenne) et les troubles du comportement alimentaire qui étaient réprimés par le tabagisme se réactivent. La nourriture (en particulier grasse et sucrée, plus « réconfortante ») se substitue à la nicotine comme effet gratifiant en activant les mêmes circuits de la récompense du cerveau et pour obtenir le même niveau de plaisir qu’avec le tabagisme, il devient nécessaire de consommer une plus grande quantité d’aliments réconfortants ;

 

Comment limiter cette prise de poids : ce que nous révèlent les études scientifiques sur le sujet au cours du sevrage

Les approches étudiées concernent l’exercice physique, les régimes, les thérapies et les traitements pharmacologiques.

Pour atténuer la prise de poids (et maximiser les chances de réussite du sevrage) il est utile de compenser la diminution de la dépense calorique de repos par une augmentation des dépenses caloriques liées à l’exercice et d’identifier ce qui explique la suralimentation durant le processus de sevrage tabagique (Par exemple : existe-t-il des troubles alimentaires et / ou une augmentation de la sensation de faim (qui serait par ailleurs parfaitement normale)

  • Il existe plusieurs méthodes pharmacologiques d’aide au sevrage tabagique, il semble que certaines combinaisons sont plus efficaces pour réussir le sevrage et limiter le gain de poids. Cependant il n’est pas certain que ces avantages sur le gain de poids perdure après l’arrêt du traitement substitutif.
  • Bien qu’à l’évidence l’exercice physique permet de brûler des calories, (30 minutes de marche rapide permet de bruler en moyenne 200 kcal), l’exercice physique seul ne semble pas très efficace pour la gestion du poids à court terme, mais à long terme plus probablement.
  • L’éducation à la gestion du poids avec un soutien personnalisé donnant des informations sur les objectifs personnels et une prescription personnelle d’énergie limitait la prise de poids à long terme
  • L’utilisation intermittente de régimes très basse calorie a amélioré le succès du sevrage et la prise de poids à court terme mais pas à plus long terme.
  • Il n’est pas certain que les thérapies comportementales et cognitives (TCC), participent à la réduction de la prise de poids ;

 

 

EN RESUME

La prise de poids moyenne après sevrage est de +4kg et elle est reliée à la disparition des effets de la nicotine sur le taux métabolique, l’appétit, la gestion des comportements alimentaires ainsi qu’aux préférences alimentaires des fumeurs.

Les résultats des études réalisées sur les interventions d’aide à la gestion du poids durant le sevrage tabagique (activité physique, pharmacologique, thérapies comportementales et conseils alimentaires) donnent des résultats modestes à court ou long terme et incertains.

 

Dans l’attente de nouvelles études, pour optimiser les chances du sevrage tout en limitant la prise de poids on peut chercher à :

  • Etre accompagné dans son sevrage par des méthodes pharmacologiques avec un tabacologue ou addictologue
  • Obtenir un soutien et des conseils alimentaires personnalisés auprès d’un diététicien nutritionniste pour accompagner la modification progressive des habitudes alimentaires, adapter l’apport calorique et identifier les stratégies pertinentes de gestion de l’appétit et de l’émergence de troubles compulsifs et/ou boulimiques.
  • Entreprendre de l’exercice physique pour optimiser les résultats à long terme
  • Entreprendre éventuellement une thérapie comportementale auprès d’un thérapeute formé aux TCC (Thérapies Comportementales et Cognitives)

 

Sources scientifiques :

The association between quitting smoking and weight gain: a systematic review and meta-analysis of prospective cohort studies – 2015

Effects of different pharmacologic smoking cessation treatments on body weight changes and success rates in patients with nicotine dependence: A network meta-analysis – 2019

Interventions for preventing weight gain after smoking cessation – Version published: 18 January 2012

Cigarette Smoking, Nicotine, and Body Weight – 2011

Cigarette smoking is associated with unhealthy patterns of nutrient intake: a meta-analysis – 1998

Smoking cessation and severity of weight gain in a national cohort – 1991

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