Le jeune intermittent composition corporelle et exercice physique (partie 4)
Cet article est la suite des 3 premiers volets concernant le jeûne intermittent. Avant de lire cette 4ème partie concernant mes recherches sur le jeûne intermittent, je vous invite à lire la partie 1 – partie 2 et partie 3 si ce n’est pas déjà fait.
Effet du jeûne sur la composition corporelle, la masse grasse et la masse musculaire
(1) Le corps est composé de masse grasse et de masse sans graisse. La masse sans graisse est constituée de tissus osseux, de tissu musculaire et de tissu organiques (organes vitaux) et d’eau. Lorsqu’on compare la composition de la masse musculaire des personnes à poids normal vs les personnes en obésité, ces dernières ont une masse musculaire plus importante (proportionnellement à leur poids) cependant cette masse musculaire est « de mauvaise qualité » (infiltrée notamment par des lipides ou graisses).
Lors d’un régime alimentaire, on cherche avant tout à perdre le maximum de masse grasse et le moins de masse maigre possible. Cependant la restriction calorique aboutit tout de même à une perte de tissu maigre représentant environ un quart à un tiers de la perte de poids (ce qui est assez normal tant que cette perte de masse maigre reste proportionnelle à la perte de masse grasse).
Le jeûne à court terme aboutit à une dégradation accrue des protéines, en particulier à partir du 3ème jour de jeûne (2) et la perte de poids induit également une perte de force musculaire (3).
(4) Les personnes suivant un jeûne intermittent auront des apports protéino énergétiques différents selon leur programme (en effet il existe de très nombreux modèles de programme de régime de jeûne). Des effets délétère pour la santé pourraient apparaître pour des apports en protéines et en calories insuffisants.
Il est utile de rappeler que la perte de tissu maigre correspond aux muscles et à la masse des organes vitaux et du tissu osseux. Cette perte de tissus maigres :
- est préjudiciable aux personnes âgées, aux malades
- est plus préjudiciable aux personnes minces car elles perdent plus de masse maigre et musculaire qu’une personne en obésité
- réduit la dépense calorique de repos
- est propice à une ostéoporose
- est toutefois plus réduite avec un apport en protéines suffisant
- est plus importante en cas de restriction protéique et calorique important
- est compensée par la pratique d’un entraînement contre résistance au moins 3 jours par semaine
(5) Le jeûne intermittent un jour sur 2 chez des sujets minces durant 2 semaines (sans exercice physique) induit une diminution de la dépense énergétique de repos ce qui pourrait suggérer un risque de reprise de poids ultérieur (effet yoyo).
(6) Une méta analyse de 2021 conclut que les régimes de jeûne intermittent produisent une perte de masse grasse allant de 0.7 à 11.3 kg de masse grasse sur des études d’une durée de 2 semaines à 1 an et sans supériorité par rapport aux régimes hypocaloriques traditionnels. Les résultats les moins importants sont obtenus avec le régime restreint dans le temps (Time Restricted Feeding) et les plus importants avec le modèle de restriction calorique 1 jour sur 2.
Les études sur le jeûne intermittent sont réalisées généralement dans des conditions d’exercice contre résistance. Dans ces conditions d’exercice, les pratiques de jeûne permettent de diminuer la masse grasse sans affecter la masse musculaire (7); Une revue systématique menée jusqu’en mai 2020 (8) conclut que le jeûne intermittent peut être bénéfique sur le poids, les marqueurs biologiques, et au moins maintenir la masse musculaire chez les individus entraînés en résistance.
Une revue de littérature (9) conclut que la masse corporelle maigre est généralement maintenue lorsque la pratique du jeûne intermittent (y compris lorsqu’elle est suivie pour des raisons religieuses) est associée à un entraînement en résistance.
(10) Il est même possible d’obtenir des gains de masse et de performance musculaire identique pendant un programme d’exercices en résistance avec des horaires d’alimentation radicalement différents à condition que l’apport énergétique et protéique soit similaire, ce qui impliquerait que les horaires de prise des repas n’auraient aucune importance tant que le contenu alimentaire est équivalent.
En conclusion :
Le modèle de jeûne restreint dans le temps (TRF), semble moins efficace pour perdre du poids que le modèle de jeûne de 2 à 3 jours par semaine. La pratique de l’exercice physique contre résistance, associée à un apport en protéine suffisant permet de préserver efficacement la masse maigre et de perdre de la masse grasse durant le jeûne. Associé à un entraînement en résistance et à un apport protéino énergétique suffisant et équivalent, il est possible d’obtenir le même gain de masse musculaire avec la pratique du TRF qu’avec une alimentation classique plus étalée et plus tardive.
Sources
1 – Edda Cava, Nai Chien Yeat, Bettina Mittendorfer, Preserving Healthy Muscle during Weight Loss, Advances in Nutrition, Volume 8, Issue 3, May 2017, Pages 511–519, https://doi.org/10.3945/an.116.014506
2- Effects of intermittent fasting on body composition and clinical health markers in humans – 2015- https://academic.oup.com/nutritionreviews/article/73/10/661/1849182
3 – Zibellini J, Seimon RV, Lee CM, Gibson AA, Hsu MS, Sainsbury A. Effect of diet-induced weight loss on muscle strength in adults with overweight or obesity – a systematic review and meta-analysis of clinical trials. Obes Rev. 2016 Aug;17(8):647-63. doi: 10.1111/obr.12422. Epub 2016 Apr 29. PMID: 27126087
4 – Grant M. Tinsley, Paul M. La Bounty, Effects of intermittent fasting on body composition and clinical health markers in humans, Nutrition Reviews, Volume 73, Issue 10, October 2015, Pages 661–674, https://doi.org/10.1093/nutrit/nuv041
5- Soeters MR, Lammers NM, Dubbelhuis PF, Ackermans M, Jonkers-Schuitema CF, Fliers E, Sauerwein HP, Aerts JM, Serlie MJ. Intermittent fasting does not affect whole-body glucose, lipid, or protein metabolism. Am J Clin Nutr. 2009 Nov;90(5):1244-51. doi: 10.3945/ajcn.2008.27327. Epub 2009 Sep 23. PMID: 19776143.
6 – Santos, HO Jeûne intermittent et masse grasse : quelle est l’ampleur clinique ? Obésités 2022 , 2 , 1-7. https://doi.org/10.3390/obesities2010001
7 – Moro T, Tinsley G, Bianco A, Marcolin G, Pacelli QF, Battaglia G, Palma A, Gentil P, Neri M, Paoli A. Effects of eight weeks of time-restricted feeding (16/8) on basal metabolism, maximal strength, body composition, inflammation, and cardiovascular risk factors in resistance-trained males. J Transl Med. 2016 Oct 13;14(1):290. doi: 10.1186/s12967-016-1044-0. PMID: 27737674; PMCID: PMC5064803.
8 – Sandoval C, Santibañez S, Villagrán F. Effectiveness of intermittent fasting to potentiate weight loss or muscle gains in humans younger than 60 years old: a systematic review. Int J Food Sci Nutr. 2021 Sep;72(6):734-745. doi: 10.1080/09637486.2020.1868412. Epub 2021 Jan 4. PMID: 33397167
9 – Keenan S, Cooke MB, Belski R. The Effects of Intermittent Fasting Combined with Resistance Training on Lean Body Mass: A Systematic Review of Human Studies. Nutrients. 2020;12(8):2349. Published 2020 Aug 6. doi:10.3390/nu12082349
10- Grant M Tinsley, M Lane Moore, Austin J Graybeal, Antonio Paoli, Youngdeok Kim, Joaquin U Gonzales, John R Harry, Trisha A VanDusseldorp, Devin N Kennedy, Megan R Cruz, Time-restricted feeding plus resistance training in active females: a randomized trial, The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 110, Issue 3, September 2019, Pages 628–640, https://doi.org/10.1093/ajcn/nqz126
Effets du jeûne intermittent sur les performances physiques
L’étude des effets du jeûne sur les performances sportives ont principalement été réalisées auprès des sportifs durant le Ramadan.
(1-2) Une méta analyse et une autre revue de 2020 portant sur le jeûne intermittent et celui jeûne du Ramadan conclut que la majorité des paramètres de performance physique (force, capacité anaérobie, fatigue) n’ont pas été influencés par le jeûne du Ramadan et que les athlètes étaient pleinement capables de participer aux compétitions avec peu d’impact sur leur performance physique. Bien qu’il semblerait avoir un déficit de performance chez les footballeurs musulman durant le mois de ramadan. (3)
Le TRF toutefois exercerait un impact positif sur la VO2max (performances aérobies) contrairement à la première période du Ramadan qui diminue cette capacité aérobie (probablement en lien avec la deshydratation).
(4) Une étude réalisée chez des individus à poids normal et en bonne santé, entrainés, le OMAD (One Meal A Day = un seul repas par jour apportant la totalité des besoins caloriques soit env 2200-2300 kcal) a permis de réduire la masse corporelle, la masse grasse, a permis d’augmenter l’oxydation des acides gras pendant l’exercice sans altérer la capacité ou la force aérobie.
Toutefois, si le jeûne altère peu les capacités physiques des sportifs, le jeûne n’améliore nullement les performances (5) en ce qui concerne les exercices de haute intensité, d’endurance et de résistance.
Chez les personnes en obésité, bien que le jeûne intermittent puisse souvent mener à une restriction calorique, une perte de poids et à une réduction de la masse musculaire, il ne semble pas y avoir de répercussion négative sur la force musculaire, celles ci pouvant être améliorées par des exercices de résistance lors de la perte de poids (6).
CONCLUSION
Le jeûne du ramadan et le jeûne intermittent n’altèrent pas ou peu les performances physiques des sportifs ou des individus minces entrainés, toutefois les pratiques de jeûne n’améliorent pas les performances. Il n’est donc pas recommandé de pratiquer le jeûne dans un objectif d’amélioration des performances sportives.
Sources
1 – M. Correia, J.; Santos, I. ; Pezarat-Correia, P.; Minderico, C.; V. Mendonca, G. Effets du jeûne intermittent sur des résultats d’exercice spécifiques : une revue systématique incluant une méta-analyse. Nutriments 2020 , 12 , 1390. https://doi.org/10.3390/nu12051390
2- Abaïdia AE, Daab W, Bouzid MA. Effects of Ramadan Fasting on Physical Performance: A Systematic Review with Meta-analysis. Sports Med. 2020 May;50(5):1009-1026. doi: 10.1007/s40279-020-01257-0. PMID: 31960369.
3- DeLang, MD, Salamh, PA, Chtourou, H. et al. Les effets du jeûne intermittent du Ramadan sur les joueurs de football et les implications pour les ligues nationales de football au cours de la prochaine décennie : une revue systématique. Sports Med 52, 585–600 (2022). https://doi.org/10.1007/s40279-021-01586-8
4 – Meessen ECE, Andresen H, van Barneveld T, van Riel A, Johansen EI, Kolnes AJ, Kemper EM, Olde Damink SWM, Schaap FG, Romijn JA, Jensen J, Soeters MR. Differential Effects of One Meal per Day in the Evening on Metabolic Health and Physical Performance in Lean Individuals. Front Physiol. 2022 Jan 11;12:771944. doi: 10.3389/fphys.2021.771944. PMID: 35087416; PMCID: PMC8787212.
5 – Levy E, Chu T. Intermittent Fasting and Its Effects on Athletic Performance: A Review. Curr Sports Med Rep. 2019 Jul;18(7):266-269. doi: 10.1249/JSR.0000000000000614. PMID: 31283627.
6 – Edda Cava, Nai Chien Yeat, Bettina Mittendorfer, Preserving Healthy Muscle during Weight Loss, Advances in Nutrition, Volume 8, Issue 3, May 2017, Pages 511–519, https://doi.org/10.3945/an.116.014506
Article rédigé par Katia Tardieu, diététicienne nutritionniste