Les pratiques de jeûne, intérêts pour le poids et la santé Partie 1
Le jeûne, et en particulier le jeûne intermittent,
devient une pratique fréquente chez nos patients ou tout au moins, elle les questionne.
La diététicienne est interrogée en consultation sur la pertinence du jeûne pour perdre du poids ou pour améliorer sa santé ou elle constate que son patient le pratique déjà lors de son bilan alimentaire.
Les protocoles expérimentaux et cliniques habituels de perte de poids relèvent du modèle de la restriction calorique continue (-30% des besoins de base en moyenne soit -500/750 kcal par jour environ) associée à des modifications de mode de vie telle que la pratique de l’exercice physique. Malheureusement les résultats à long terme sont souvent médiocres, les abandons de régime alimentaire sont fréquents, les pertes de poids plus modestes qu’espérée (autour de 5 à 10% du poids corporel en 1 an) et la reprise de poids fréquente.
Devant les résultats décevants de la restriction calorique continue, de nouvelles stratégies diététiques émergent régulièrement qui sont relayées dans les médias, les réseaux sociaux à grand bruit… Parmi elles, on retrouve diverses approches utilisant le jeûne. De nombreuses études se sont penchées sur les bénéfices potentiels des jeûnes sur le poids et le métabolisme et on trouve facilement dans la littérature des revues et des méta analyses sur le sujet (= compilation et synthèse d’études scientifiques représentant le meilleur niveau de preuve scientifique sur un sujet).
Mon article cherchera à élucider les points suivants à l’aide de la littérature scientifique disponible à ce jour :
- Quels sont les différents modèles de jeûnes et de jeûnes intermittents
- Quels sont les mécanismes du jeûne et ceux qui sont potentiellement impliqués dans les bénéfices santé et poids
- Quels sont les bénéfices sur le poids et la santé que l’on peut réellement attendre de la pratique du jeûne
- Quels sont les risques liés à la pratique du jeûne
- Le jeûne (intermittent) présente t’il une efficacité supérieure à la restriction calorique continue habituelle
- Quel modèle de jeûne intermittent est il préférable de suivre (modèle, horaires, apport calorique, niveau de faisabilité)
- La pratique du jeûne intermittent implique t’elle une perte de masse maigre ou de masse musculaire
- Comment éviter la perte de masse musculaire durant un jeûne intermittent avec un modèle diététique et sportif adapté
Les différents modèles de restriction calorique, de jeûne et de jeûne intermittent
En pratique clinique ou expérimentale, plusieurs modèles de restriction calorique sont utilisées :
- Des techniques de restriction calorique en continu : Les régimes basse calorie (-25 à 30% des besoins ou 1200 à 1500 kcal) , très basse ou extrêmement basse calorie (800 à 1000 kcal ou <800 kcal par jour)
- Des techniques de jeûnes : modèles de jeûnes intermittents et modèles de jeûne prolongé
On distingue également 3 modalités de jeûne intermittent :
- Le jeûne 5:2 : Alternance de 2 jours de restriction (<25% des dépenses) par semaine (consécutifs ou non) et 5 jours d’alimentation “normale” à volonté selon l’appétit.
- Le jeûne un jour sur 2 : Alternant un jour de restriction calorique (0 à 25% des dépenses) et un jour “normal” sur plusieurs semaines.
- Le jeûne restreint dans le temps : Allongeant la période de jeûne nocturne (16 à 20h de jeûne) et autorisant les prises alimentaires sur une période de 4 à 8 heures chaque jour autorisant 1 à 3 repas sur cette période et sans restriction calorique définie.
Les pratiques de jeûne prétendent favoriser une perte de poids efficace, améliorer la santé et la longévité. Dans les faits et en recherche clinique, les différentes modalités de jeûne représentent des moyens particuliers de restreindre cycliquement l’apport calorique quotidien/hebdomadaire.
Le jeûne est également une pratique ancienne de “purification” dans plusieurs religions (ex : le Ramadan, le carême…), il est utilisé par les grévistes de la faim pour manifester leur engagement à une cause.
Les types de jeûne que j’observe en consultation sont plus généralement
- le jeûne religieux du Ramadan (ceci mène à un jeûne d’environ 12h-15h par jour suivant la période de l’année sur une période de 1 mois)
- une forme de Time restricted Feedind (TRF qui correspond à un jeûne intermittent standard), représentés par celles et ceux qui sautent le petit déjeuner (ceci mène à un jeûne d’environ 15-16h chaque jour suivant l’heure du diner)
Classification des régimes que l’on peut trouver dans la littérature
Sources :
-
Intermittent Fasting: Is the Wait Worth the Weight? – 2018
-
Unravelling the health effects of fasting: a long road from obesity treatment to healthy life span increase and improved cognition. Ann Med. 2020
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Intermittent Fasting and Human Metabolic Health. J. Acad. Nutr. Diet. 2015
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Classification des régimes : Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement – Rapport d’expertise ANSES 2020
Métabolisme des substrats énergétiques durant le jeûne et à l’effet nourri : les mécanismes du jeûne
Sources :
http://campus.cerimes.fr/nutrition/enseignement/nutrition_7/site/html/1.html
Wikipédia : glycogène et cétogénèse
Les glucides, les lipides et les protéines sont les substrats énergétiques provenant de l’alimentation. Une fois hydrolysés lors des processus métaboliques de digestion, leur produit d’hydrolyse sont absorbés à travers la paroi de l’intestin, et circulent dans le sang jusqu’aux organes, où ils sont utilisés ou stockés.
Lors de la digestion :
Les glucides (amidon, lactose, saccharose…) sont dégradés en glucose, fructose, galactose…
Les protéines sont dégradés en acides aminées
Les lipides (triglycérides ++) sont dégradés en acides gras et glycérol
Une fois absorbés, les produits de dégradation sont soit utilisés pour des nouvelles synthèses ou pour produire de l’énergie (ATP). En situation d’excédent calorique, il existe des processus de mise en réserve des substrats énergétiques dans le foie, les muscles et le tissu adipeux.
Le foie met en réserve les excédents de glucides (sucres) sous forme de glycogène (et aussi de triglycérides (gras), si les stocks de glycogène sont pleins.
Le muscle met en réserve du glucose sous forme de glycogène pour son propre usage. Il est également une réserve de protéines.
Les réserves de glycogène peuvent représenter chez l’adulte 100g à 200g dans le foie et de 400g dans les muscles. Ces réserves correspondent à une quantité d’énergie d’environ une journée. (1g de glucose stocké fournit 4 kcal donc 600g de glucose stockés = 2400 kcal)
Le tissu adipeux met en réserve les triglycérides dans ses adipocytes, ce qui constitue une grande réserve d’énergie : Un homme de 70 kg composé d’environ 20% de masse grasse disposerait d’un stock de 126000 kcal. (1g de lipides = 9kcal), soit de 50 jours d’énergie.
L’humain se nourrit plusieurs fois par jour en général et on distingue donc 3 états :
- la période post prandiale (état nourri) : elle correspond aux 8 heures qui suivent la prise alimentaire,
- la période post absorptive : 12 heures de jeûne (le matin à jeûn)
- le jeûne au-delà de 16 heures
Durant la journée, à l’état nourri, l’organisme utilise principalement le glucose comme ressource énergétique ainsi que les acides gras circulant. Après les repas puis en phase de jeûne, durant la nuit puis au delà, l’organisme mobilise ses réserves pour fournir l’énergie en continu aux tissus. Les réserves de glycogène étant rapidement épuisées, plus la durée de jeûne augmente, plus les acides gras sont utilisés comme ressource d’énergie puis oxydés en corps cétoniques (via la cétogénèse) lorsque le jeune s’allonge encore, en l’absence de réserves de glucose.
Ces corps cétoniques sont des ressources énergétiques qui se substituent au glucose en l’absence de celui ci. Les corps cétoniques sont produits par le foie, dans les mitochondries des hépatocytes (cellules du foie), et diffusés dans la circulation pour nourrir les organes habituellement dépendant du glucose. Les corps cétoniques sont utilisés principalement par les mitochondries des muscles, du muscle cardiaque, des cellules nerveuses. Ils deviennent la source d’énergie privilégiée du cœur, des reins et du cerveau lors du jeûne.
Article écrit par Katia Tardieu Diététicienne nutritionniste
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