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Régime alimentaire et SOPK

5 juin 2023

Le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques) est un trouble endocrinien chez les femmes en âge de procréer, ce qui entraîne des anomalies reproductives, hormonales et métaboliques entraînant des risques pour la santé et notamment des risques de développer un syndrome métabolique cumulant un diabète, une hypertension, des troubles du métabolisme des lipides (cholestérol, triglycérides), des maladies cardiovasculaires, des tumeurs du sein et de l’endomètre.

Dans cette pathologie on retrouve en toile de fond une résistance à l’insuline et une inflammation de bas grade.

L’insuline est une hormone produite par le pancréas qui permet la régulation de la glycémie en favorisant la captation du glucose circulant dans le sang (sucre) par les différentes cellules et organes. Dans la résistance à l’insuline, les organes (notamment le muscle, le foie) perdent leur sensibilité à l’insuline. le glucose n’entre plus dans les cellules et reste dans le sang.  A ceci s’ajoute le fait que le foie, perdant sa sensibilité à l’insuline, libère du glucose dans le sang. La production d’insuline est augmentée pour pallier ce phénomène ce qui se traduit par une hyperinsulinémie et des conséquences sur la sécrétion d’androgènes ovariens à l’origine du SOPK. 

Nous savons que des facteurs environnementaux sont en cause dans le SOPK et qu’il est utile d’intervenir sur le mode de vie et le mode alimentaire. 

 

PRISE EN CHARGE ET TRAITEMENT DIETETIQUE 

37 sociétés savantes ou organisations scientifiques de 71 pays ont travaillé à l’élaboration de recommandations relatives au diagnostic et à la prise en charge des patientes SOPK dont aujourd’hui les causes sont mal connues et qu’ il n’est pas possible de guérir. Ces recommandations sont basées sur les preuves scientifiques disponibles à ce jour et proposées comme consensus : elles sont “evidence based”. Une grande partie de ces recommandations reposent sur l’alimentation et l’hygiène de vie.

 

Le traitement diététique 

Les soins diététiques visent à éviter les risques de maladies chroniques (diabète et maladies cardiovasculaires) en améliorant les glycémies et l’insulinorésistance, le bilan lipidique, diminuer les taux d’hormones androgènes et améliorer la fertilité. 

 

1/ La perte de poids en cas d’obésité ou de surpoids avec un régime hypocalorique 

Une perte de poids de 5%-10% suffit à apporter des bénéfices santé et permet de diminuer les taux d’hormones androgènes et réduire les symptômes du SOPK tel que l’hirsutisme. Pour ceci il est important de réduire les apports de -30% l’apport calorique (soit environ  -500/-1000 kcal) par rapport aux besoins. Il est utile de rappeler que les femme ateintes de SOPK peuvent présenter une résistance à la perte de poids avec une diminution de leur métabolisme basal. Stabiliser le poids peut déjà être un objectif. La restriction calorique prévaut sur le type de régime alimentaire. Il n’existe pas de composition en macronutriments plus favorable dans la gestion du poids à  long terme ou la gestion du SOPK.

 

2/ Adopter une alimentation équilibrée conformément aux recommandations pour la population 

Devant les controverses scientifiques et le manque de preuves suffisantes de la supériorité d’un régime par rapport à un autre pour le traitement du SOPK, le consensus scientifique ne recommande aucun régime particulier ni de composition spécifique en macronutriments (protéines,lipides,glucides). La perte de poids provoquée par la restriction calorique prévaut sur la composition du régime et la préférence et habitudes du patient devront être prises en compte. Ceci signifie qu’il n’y a rien à attendre de plus d’un mode de régime particulier (comme un régime hyperprotéiné ou cétogène.) ni sur la perte de poids à long terme ni sur les symptômes du SOPK.

 

MON CONSEIL DIETETIQUE

Il est utile d’orienter les femmes souffrant de SOPK vers une alimentation saine, conformément à la population. En ce sens, une alimentation, pauvre en sucres libres, riche en fibres, sélective vis à vis de la qualité des glucides et des graisses. Le SOPK évolue dans un contexte d’inflammation chronique de bas grade. Une alimentation d’orientation anti inflammatoire, tel que le propose le régime méditerrannéen est particulièrement appropriée. D’ailleurs, les recommandations de santé publique en matière de nutrition vont en ce sens. Le régime méditerrannéen semble favorable aux femmes atteintes de SOPK. En effet, une étude observationnelle montre que l’adhésion à une diète méditerranéenne contribue à réduire l’état inflammatoire qui ouvre la voie à l’insulinorésistance et à l’hyperandrogénie. C’est un régime peu restrictif, assez facile à observer.

NB  : Je vous invite à lire mon article sur l’alimentation anti inflammatoire pour plus d’information.

 

Adopter un régime alimentaire contrôlé en glucides (ou sucres) surtout en qualité

Il est important de diminuer la consommation des sucres libres (produits sucrés, jus… etc) dont l’index glycémique est élevé et d’adopter une alimentation à Index Glycémique bas afin de diminuer les taux d’insuline libérée. Le régime IG  bas influence également favorablement le taux de cholestérol total, les taux de triglycérides et de testostérone total. La qualité des aliments glucidiques, complets, riches en fibres et à grains entiers est déterminant et plus important que la quantité totale d’aliments glucidiques consommés. L’adoption d’un régime alimentaire hypoglucidique (<45% des apports caloriques totaux), voir cétogène peut être une option, bien que les études portant sur la quantité totale de glucides du régime ne soient tous pas concordants, avec des résultats à long terme mitigés ou inconnus. Il semble que la composition en macronutriments (P,L,G) du régime alimentaire ait peu d’influence.. 

Lutter contre la faim en identifiant les stratégies efficaces pour réduire l’appétit 

En effet, les femmes atteintes de SOPK observent une dérégulation de l’appétit et des hormones de la faim et de la satiété. Une alimentation riche en fibres et protéines peut être une stratégie ainsi que fractionner l’alimentation en plusieurs petites prises quotidiennes. 

 

Choisir des graisses de bonne qualité nutritionnelle

Les graisses saturées (animales) et trans (industrielles), peuvent provoquer des désordres métaboliques, notamment la résistance à l’insuline.  auxquelles les femmes atteintes de SOPK sont particulièrement sensibles. Une alimentation riche en graisses insaturées (végétales), poly insaturées de type oméga 3 est susceptible de réduire les risques de maladies chroniques. Il convient donc de diminuer très activement la proportion des graisses saturées (viandes grasses, charcuteries, beurre, crème, produits industriels gras) et de privilégier les huiles riches en acides gras insaturés oméga 3 (lin, colza, noix), les poisson gras, les graines oléagineuses (lin, chia, noix, amandes…)

 

Inclure une alimentation riche en fibres afin de favoriser un microbiote sain 

Le microbiote intestinal et ses métabolites produits lors des fermentations intestinales jouent un rôle majeur dans l’équilibre du métabolisme et de la santé humaine. Une dysbiose (déséquilibre et appauvrissement des populations des bactéries intestinales) est défavorable à la santé et elle peut être provoquée par une alimentation inappropriée, industrialisée, riche en sucre et graisses et pauvre en fibres alimentaires. Une dysbiose est retrouvée dans de nombreuses maladies chroniques inflammatoires telles que l’obésité, le diabète, l’insuffisance rénale… etc. Protéger son microbiote intestinal consiste notamment à adopter une alimentation riche en fibres donc riche en végétaux : des céréales, des graines, des légumes et des fruits.

3/ Le traitement des troubles du comportement alimentaire

Les femmes atteintes de SOPK semblent plus fréquemment touchées par les troubles du comportement alimentaire (anorexie, hyperphagie boulimiques, boulimie..) ceux ci pouvant être reliés à une obésité, des troubles émotionnels, de l’anxiété, une dépression, une faible estime de soi et une altération de l’image corporelle. Etant donné les conséquences pour la santé et l’impact de ces troubles sur la qualité de vie, il est pertinent d’orienter les patientes en souffrance vers des professionnels formés à la prise en charge de ces troubles alimentaires. (psychologue d’orientation Thérapies Comportementales et Cognitive, diététiciens orienté sur la prise en charge comportementale de l’alimentation).

 

4/ La pratique de l’exercice physique 

Le guideline SOPK encourage à la pratique de l’exercice physique régulière pour permettre de lutter contre l’insulino résistance. La pratique de l’exercice vigoureuse/ intense couplé à des exercices contre résistance (= renforcement et musculation) est plus efficace que les exercices longs d’intensité modérée pour contrer l’insulinorésistance. Afin d’envisager une pert de poids modeste et éviter la reprise de poids le temps de pratique recommandé est le suivant : 

  • Un minimum de 250 min/sem d’activité modérée (35mn par jour en moyenne) OU 150 min/semaine d’activité vigoureuse (2h30 par semaine) ou une combinaison des 2
  • 2 séances de renforcement des principaux groupes musculaires par semaine sur 2 jouer non consécutifs
  • Limiter le temps de sédentarité et les écrans

 

5/ Réduire la consommation de caféine 

Il peut être utile de réduire la consommation de café chez les jeunes femmes souhaitant devenir maman prochainement. La consommation d’une quantité de caféine > 500mg par jour (plus de 1 tasse de café par jour) semble associée à une augmentation des risques d’infertilité et d’avortement spontanés. 

 

6/ Place des compléments alimentaires dans le SOPK

La littérature démontre des déséquilibres alimentaires fréquents chez les femmes atteintes de SOPK, qui impliquent les carences en : fibres, oméga 3, calcium, magnésium, zinc et vitamines (acide folique, vitamine C, vitamine B12 et vitamine D). La première étape vise déjà à rééquilibrer l’alimentation, il est ensuite possible d’envisager une supplémentation ciblée qui vise à renforcer l’apport nutritionnel sur certains micronutriments qui peinent à atteindre la concentration sanguine cible ou si les besoins métaboliques sont accrus. La littérature scientifique portant sur la supplémentation des femmes SOPK se rapportent notamment à l’inositol, la thiamine (vit B1), le coenzyme Q10, la vitamine D , le zinc, le sélénium, le chrome, les oméga 3, de nombreuses plantes également.

Malheureusement, pour la plupart des micronutriments apportés en supplémentation dans les études faites auprès des femmes SOPK, les bénéfices cliniques ne sont pas significatifs ou apportent des résultats contradictoires, si bien qu’on peut légitimement se demander si le coût de la supplémentation en vaut bien la chandelle. Sans compter qu’il n’y a aucune recommandation portée par les sociétés savantes sur l’intérêt de la supplémentation chez les femmes SOPK.

 

Aparté sur le picolinate de chrome : 

Le chrome est un minéral clé de la régulation des métabolismes des lipides et des glucides; De nombreuses équipes de chercheurs ont étudié son effet chez les diabétiques de type 2. Le picolinate de chrome montre des effets favorables sur les taux de glucose et de triglycérides et le contrôle glycémique peut s’améliorer avec une supplémentation en chrome de plus de 200  μg par jour sans effet indésirable. En outre, la supplémentation peut s’avérer efficace pour la perte de poids à des doses de 300 à 600 ug/j et réduire les épisodes de fringales alimentaires en intervenant sur la synthèse de sérotonine. On pourrait éventuellement s’attendre à améliorer la perte de poids, réduire les fringales et améliorer l’insulinorésistance avec cette supplémentation qui est peu coûteuse et qui est sûre, sans effet secondaire.

Toutefois, 

  • il semble que l’efficacité du chrome sur l’insulino-résistance ne soit montrée que pour le picolinate de chrome et pour des formes avancées d’obésité et d’insulino-résistance sévère 
  • si les effets semblent bénéfiques dans la prise en charge des hyperglycémies, du surpoids et des fringales, les résultats sont très mitigés quant aux bénéfices à attendre pour les femme SOPK, comme le relate une méta-analyse de 2017. 

 

Aparté sur la Vitamine D

La vitamine D régule le métabolisme du calcium et la minéralisation osseuse et de nombreuses études indiquent avec certitude que la carence de cette hormone est liée à l’insulino résistance, au syndrome métabolique, à une altération du métabolisme du glucose et des lipides et, finalement, à l’infertilité. De plus, la vitamine D est un antioxydant capable de contrôler l’inflammation systémique et le stress oxydatif. Il a été démontré que de faibles niveaux de vitamine D peuvent aggraver les symptômes du SOPK. Etant donnée la fréquence des insuffisances et carences en Vitamine D dans la population, les carences observées chez la femme SOPK en particulier chez la femme SOPK en surpoids ou en obésité et le rôle de la Vitamine D sur la régulation des métabolismes, le stress oxydatif, l’inflammation et la fertilité, il est pertinent de corriger les insuffisances en Vitamine D et pourquoi pas de la prévenir avec une supplémentation adaptée en Vit D, que l’on trouve peu par ailleurs dans l’alimentation. Notons toutefois que les études interventionnelles portant sur la supplémentation en Vit D chez les femmes SOPK ont donné des résultats contradictoires quant aux bénéfices à attendre d’une telle supplémentation. 

 

Aparté sur l’inositol 

L’inositol est le seul complément à apparaître dans le référentiel international de prise en charge de la patiente SOPK. L’inositol, à l’instar de la metformine (ce dernier étant un traitement du diabète mais présentant des effets secondaires) augmente la sensibilité à l’insuline, normalise les androgènes dans le sang, améliore la glycémie et affecte de nombreuses caractéristiques du syndrome métabolique. On trouve facilement l’inositol dans l’alimentation, en particulier dans les fruits et notamment dans les melons cantaloup et dans les oranges. Il est également présent dans les plantes comme les céréales riches en son, sous la forme d’acide phytique ou phytate. (ce sont des composés « anti nutritionnels »). Bien que les preuves soient insuffisantes pour l’émission de recommandations d’usage, les résultats d’étude sont encourageants vis à vis des avantages métaboliques, hormonaux et ovulatoires de l’inositol. Sans être explicitement encouragé dans les recommandations 2018, l’usage peut être justifié. 

 

EN CONCLUSION 

On ne guérit pas du SOPK, cependant l’adoption d’une bonne hygiène alimentaire et d’exercice physique est susceptible de réduire l’insulinorésistance et le terrain inflammatoire, est favorable à des cycles plus réguliers, améliore la fertilité, peut réduire les symptômes du SOPK lié à l’hyperandrogénie tel que l’hirsutisme et prévenir les risques pour la santé cardiovasculaire à long terme.

L’alimentation devrait être 

  • Hypocalorique pour permettre une perte de poids en cas de surpoids
  • Non restrictif et adaptée aux préférences du patient
  • Orientée vers les recommandations pour la population 
  • Une alimentation de type anti inflammatoire comme le régime méditerrannéen est à privilégier
  • Rechercher la qualité des glucides et des lipides plutôt qu’une répartition glucido/lipidique particulière 
  • Riche en fibres 
  • Pauvre en caféine
  • Éventuellement supplémentée en cas de déficience nutritionnelle notamment en Vit D comme pour la population
  • Les autres suppléments ne semblent pas avoir fait preuve d’une efficacité suffisante à l’exception de l’inositol ou encore du picolinate de chrome pour les patientes en forte obésité souffrant d’insulinorésistance sévère.

 

Article rédigé par Katia Tardieu, diététicienne nutritionniste

SOURCES

1/ International evidence-based guideline for the assessment and management of polycystic ovary syndrome 2018

2/ Faghfoori Z, Fazelian S, Shadnoush M, Goodarzi R. Nutritional management in women with polycystic ovary syndrome: A review study. Diabetes Metab Syndr. 2017 Nov;11 Suppl 1:S429-S432. doi: 10.1016/j.dsx.2017.03.030. Epub 2017 Apr 5. PMID: 28416368.

2/ Barrea, L.; Arnone, A.; Annunziata, G.; Muscogiuri, G.; Laudisio, D.; Salzano, C.; Pugliese, G.; Colao, A.; Savastano, S. Adherence to the Mediterranean Diet, Dietary Patterns and Body Composition in Women with Polycystic Ovary Syndrome (PCOS). Nutrients 2019, 11, 2278. https://doi.org/10.3390/nu11102278

3/ Szczuko, M.; Kikut, J.; Szczuko, U.; Szydłowska, I.; Nawrocka-Rutkowska, J.; Ziętek, M.; Verbanac, D.; Saso, L. Nutrition Strategy and Life Style in Polycystic Ovary Syndrome—Narrative Review. Nutrients 2021, 13, 2452. https://doi.org/10.3390/nu13072452

4/ Diet and nutrition in polycystic ovary syndrome (PCOS): Pointers for nutritional management 2007

5/Chromium supplementation in women with polycystic ovary syndrome: Systematic review and meta-analysis -2017

6/ Suksomboon N, Poolsup N, Yuwanakorn A. Systematic review and meta-analysis of the efficacy and safety of chromium supplementation in diabetes. J Clin Pharm Ther. 2014 Jun;39(3):292-306. doi: 10.1111/jcpt.12147. Epub 2014 Mar 17. PMID: 24635480.

7/ Effects of Chromium Picolinate Supplementation on Control of Metabolic Variables: A Systematic Review – journal and food research – 2016

8/ avis de l’AFSSA relatif à l’enrichissement de l’alimentation en chrome Afssa – Saisine n° 2007-SA-0315 )

9/Morgante, G.; Darino, I.; Spanò, A.; Luisi, S.; Luddi, A.; Piomboni, P.; Governini, L.; De Leo, V. PCOS Physiopathology and Vitamin D Deficiency: Biological Insights and Perspectives for Treatment. J. Clin. Med. 2022, 11, 4509. https://doi.org/10.3390/jcm11154509

10/ Iervolino, M.; Lepore, E.; Forte, G.; Laganà, AS ; Buzzaccarini, G.; Unfer, V. Molécules naturelles dans la gestion du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : une revue analytique. Nutriments 2021 , 13 , 1677. https://doi.org/10.3390/nu13051677

 

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