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Sauter les repas ? une fausse bonne idée

13 septembre 2023

Il est très tentant pour perdre du poids de sauter un repas : cela semble simple et efficace. Qui plus est, certains repas sont faciles à éliminer pour beaucoup d’entre nous : 

Sauter le petit déjeuner est facile : l’appétit est rarement au rendez vous, on préfère dormir que de prendre 15 minutes à table, où la journée est tellement chargée que c’est du temps de gagné.

Sauter le déjeuner est pratique : le faire est une perte de temps et de productivité. Manger à l’extérieur c’est cher. Si on travaille sur la pause déjeuner,on pourra partir 1 heure plus tôt !

Sauter le diner, ça arrange : on est mal organisé pour les courses, on a pas le temps ou on a la flemme de cuisiner ou on est tellement fatigué qu’on préfère aller se coucher.

Il existe une flopée d’excuses pour sauter un ou plusieurs repas par économie de temps, d’argent, d’attention ou de calories. Pourtant, celà n’est pas une bonne idée, ni pour sa santé ni pour sa ligne.

 

Rythme des prises alimentaires

Le rythme et les horaires des repas est culturel. Dans la plupart de nos sociétés modernes et notamment en France l’alimentation est habituellement fractionnée en 3 prises quotidiennes à 7h – 12h30 – 20h environ ponctuées ou non de collations.

On lit dans plusieurs études (1), notamment celles portant sur le jeûne intermittent, que ce rythme de repas serait anormal du point de vue de l’évolution et qu’il serait préférable de laisser des périodes de restriction alimentaires de 16h pour concorder avec le fonctionnement de notre horloge biologique et le cycle lumière/obscurité et ainsi pouvoir bénéficier de bienfaits pour la santé. Les prises alimentaires devant être diurnes, comprises entre 6h et 18h.

Concernant particulièrement la régulation énergétique et du poids, les scientifiques (2) identifient des liens entre les moments des prises alimentaires et les variations de poids chez les modèles animaux et les humains. 

 

Leurs conclusions sont les suivantes : 

 

1/ Il y a un lien entre l’obésité / risques métaboliques avec le fait de sauter le petit déjeuner (lien causal ou inverse)

2/ Prendre un petit-déjeuner trop tôt peut être délétère en raison du taux de mélatonine encore élevé au lever, ce qui augmente les risques métaboliques

3/ Prendre un gros petit déjeuner permet de perdre plus de poids que de prendre un gros diner (tout apport calorique équivalent par ailleur)

4/ Ajouter un petit déjeuner en l’absence de celui ci habituellement n’est pas toujours une bonne stratégie de perte de poids

5/ Le moment du repas principal (le plus calorique) est prédictif de la perte de poids indépendamment de l’apport calorique total de la journée

6/ Prendre son déjeuner tardivement (après 15h) prédit des difficultés à perdre du poids

7/ Dîner tard ou manger tard le soir est associé à des risques accrus d’obésité, de dyslipidémie, d’hyperglycémie et de syndrome métabolique : des repas de fin de soirée étaient fortement associés à l’hyperglycémie et l’insulinorésistance

 

Des déterminants génétiques (variance de gènes) sont en cause dans ces mécanismes ce qui explique que tout le monde n’est pas affecté de la même manière par le rythme de la prise des repas : la génétique peut jouer un rôle important dans les différences interindividuelles de perte de poids en fonction du moment de la prise alimentaire.

La génétique oriente le fonctionnement des horloges biologiques individuelles et permet de déterminer 2 types de chronotypes : Chez les chronotypes du soir qui mangent la nuit (pendant les deux heures précédant le coucher), la probabilité d’être obèse est multipliée par cinq, tandis que chez les chronotypes matinaux ayant un apport calorique élevé le matin (deux heures après l’heure du réveil), la probabilité d’être obèse diminue de 50 %.

 

Sources

1 – Mattson MP, Allison DB, Fontana L, Harvie M, Longo VD, Malaisse WJ, Mosley M, Notterpek L, Ravussin E, Scheer FA, Seyfried TN, Varady KA, Panda S. Meal frequency and timing in health and disease. Proc Natl Acad Sci U S A. 2014 Nov 25;111(47):16647-53. doi: 10.1073/pnas.1413965111. Epub 2014 Nov 17. PMID: 25404320; PMCID: PMC4250148.

2 – Garaulet M, Gómez-Abellán P. Timing of food intake and obesity: a novel association. Physiol Behav. 2014 Jul;134:44-50. doi: 10.1016/j.physbeh.2014.01.001. Epub 2014 Jan 24. PMID: 24467926.

3- Lopez-Minguez J, Gómez-Abellán P, Garaulet M. Timing of Breakfast, Lunch, and Dinner. Effects on Obesity and Metabolic Risk. Nutrients. 2019 Nov 1;11(11):2624. doi: 10.3390/nu11112624. PMID: 31684003; PMCID: PMC6893547.

 

 

Rôle de l’horloge circadienne (ou horloge biologique)

L’horloge circadienne, ou horloge biologique, est un mécanisme interne qui régule les processus et les fonctions biologiques quotidiens de nombreux êtres vivants, en particulier l’être humain. 

L’organisme est capable de mesurer le temps (et ce en dehors de toute référence à une montre). Cette horloge est calibrée sur un tempo de 24h (à qq détail près individuellement) chez l’homme et elle est sensible à l’environnement et notamment, la lumière et la température. L’alternance jour-nuit synchronise ou « entraîne » les horloges circadiennes des individus. 

Chez les mammifères, des horloges circadiennes se retrouvent dans tous les principaux organes et tissus. Il existe une horloge centrale stimulatrice (dans l’hypothalamus situé dans le cerveau) et des horloges périphériques (dans les tissus et organes comme le foie, l’estomac, l’intestin, le coeur, le tissus adipeux, les muscles, le pancréas) qui régulent dans la journée nos différentes fonctions, l’expression des gènes, la synthèse des hormones, des enzymes et neurotransmetteurs ce qui permet de nous adapter aux changements de l’environnement quotidien. 

Les mutations des gènes de l’horloge, les perturbations chroniques du rythme et la désynchronisation de notre horloge biologique sont susceptibles d’entraîner des troubles du métabolisme énergétique, des lipides, glucides et des problèmes de santé.

Le désalignement circadien induit par un décalage horaire chronique, des horaires de repas irréguliers, une alimentation riche en graisses, des habitudes de sommeil anormales, perturbe la réception des signaux par les tissus périphériques au moment optimal de la journée.

Le rythme des prises alimentaires, les composés nutritionnels des aliments, la lumière, le rythme veille/sommeil, sont autant de facteurs modifiables qui régulent ou dérégulent notre horloge interne.

Le résultat d’ études faites sur les souris montrent que l’obésité dérégule le rythme circadien en favorisant les prises alimentaires sur les temps de repos et non d’activité, ce qui participe à l’auto entretien de l’obésité.

 

Source Schéma  : Maury E. Off the Clock: From Circadian Disruption to Metabolic Disease. Int J Mol Sci. 2019 Mar 30;20(7):1597. doi: 10.3390/ijms20071597. PMID: 30935034; PMCID: PMC6480015.

 

En conclusion, le rythme et le moment des prises alimentaires sont des éléments déterminants de la synchronicité circadienne et de la santé des individus.

 

Sources : 

1- Liu F, Zhang X, Zhao B, Tan X, Wang L, Liu X. Role of Food Phytochemicals in the Modulation of Circadian Clocks. J Agric Food Chem. 2019 Aug 14;67(32):8735-8739. doi: 10.1021/acs.jafc.9b02263. Epub 2019 Jun 20. PMID: 31244204.

2- Maury E. Off the Clock: From Circadian Disruption to Metabolic Disease. Int J Mol Sci. 2019 Mar 30;20(7):1597. doi: 10.3390/ijms20071597. PMID: 30935034; PMCID: PMC6480015.

3- Li MD, Li CM, Wang Z. The role of circadian clocks in metabolic disease. Yale J Biol Med. 2012 Sep;85(3):387-401. Epub 2012 Sep 25. PMID: 23012586; PMCID: PMC3447202.

 

Sauter les repas, impacts sur le poids et la santé

Le saut de repas est l’omission ou le manque de consommation d’un ou plusieurs des repas principaux traditionnels (petit-déjeuner, déjeuner ou dîner) tout au long de la journée. On a vu précédemment que des rythmes alimentaires perturbés dérégulaient l’horloge biologique ce qui altérait le fonctionnement des organes et favorisait les problèmes de santé.  

En effet, le suivi longitudinal d’une grde cohorte de plus de 24000 adultes (1) a permi d’associer la consommation d’un seul repas par jour à un risque accru de mortalité toutes causes confondues et de mortalité cardiovasculaire. Sauter le petit-déjeuner était associé à un risque accru de mortalité par maladie cardiovasculaire, tandis que sauter le déjeuner ou le dîner était associé à un risque accru de mortalité toutes causes confondues. Parmi les participants prenant trois repas par jour, un intervalle de repas inférieur à 4,5 heures entre deux repas adjacents était associé à une mortalité toutes causes confondues plus élevée.

Sauter des repas a des effets sur les prises alimentaires ultérieures et sur la qualité globale de l’alimentation (2), chaque repas sauté produit naturellement des effets de compensation énergétiques sur le ou les repas suivants, quoi que l’apport calorique total reste inférieur à ce qu’il aurait été en présence des 3 repas. Même si la réduction de l’apport calorique total peut théoriquement être bénéfique sur la perte de poids, ceci se fait au détriment de la qualité nutritionnelle et de la santé, en particulier lorsque le petit déjeuner ou le déjeuner sont sautés. 

Si sauter le diner semble avoir moins d’impact sur la qualité globale de l’alimentation, ce comportement n’est pas sans incidence sur le poids non plus : une vaste étude portant sur plus de 25000 étudiants japonais durant 3 ans indique une augmentation du poids > 10% pour ceux qui sautent le diner plus fréquemment. (3), d’autre études soulignent également l’association entre le saut du petit déjeuner et le surpoids. (4-5)

Ceci souligne d’une part l’intérêt de repas réguliers espacés de plus de 4h30 dans la journée à la fois pour réguler l’apport calorique de la journée mais également pour améliorer la qualité nutritionnelle de l’alimentation quotidienne. Bien que celà diminue l’apport calorique quotidien, sauter des repas, quel qu’il soit, prédit une augmentation du risque de surpoids et d’obésité. 

 

Sources :

1- Sun Y, Rong S, Liu B, Du Y, Wu Y, Chen L, Xiao Q, Snetselaar L, Wallace R, Bao W. Meal Skipping and Shorter Meal Intervals Are Associated with Increased Risk of All-Cause and Cardiovascular Disease Mortality among US Adults. J Acad Nutr Diet. 2023 Mar;123(3):417-426.e3. doi: 10.1016/j.jand.2022.08.119. Epub 2022 Aug 11. PMID: 35964910

2- Zeballos E, Todd JE. The effects of skipping a meal on daily energy intake and diet quality. Public Health Nutr. 2020 Dec;23(18):3346-3355. doi: 10.1017/S1368980020000683. Epub 2020 May 13. PMID: 32398192; PMCID: PMC10200470.

3- Yamamoto, R. ; Tomi, R. ; Shinzawa, M. ; Yoshimura, R. ; Ozaki, S. ; Nakanishi, K. ; Idé, S. ; Nagatomo, moi; Nishida, M. ; Yamauchi-Takihara, K. ; et coll. Associations entre le fait de sauter le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner avec la prise de poids et le surpoids/obésité chez les étudiants universitaires : une étude de cohorte rétrospective. Nutriments 2021 , 13 , 271.

4-  Pendergast FJ, Livingstone KM, Worsley A, McNaughton SA. Correlates of meal skipping in young adults: a systematic review. Int J Behav Nutr Phys Act. 2016 Dec 1;13(1):125. doi: 10.1186/s12966-016-0451-1. PMID: 27905981; PMCID: PMC5133750.

5- Ma X, Chen Q, Pu Y, Guo M, Jiang Z, Huang W, Long Y, Xu Y. Skipping breakfast is associated with overweight and obesity: A systematic review and meta-analysis. Obes Res Clin Pract. 2020 Jan-Feb;14(1):1-8. doi: 10.1016/j.orcp.2019.12.002. Epub 2020 Jan 7. PMID: 31918985.

 

 

Effet de sauter les repas sur les troubles du comportement alimentaire

Lorsqu’on analyse les comportements de repas des personnes souffrant de troubles alimentaires (anorexie mentale, boulimie, hyperphagie), nombreux d’entre eux sautent régulièrement 1 ou plusieurs repas. (pour ne pas grossir, pour compenser des excès, pour anticiper des excès à venir ou simplement par habitude…). 

D’ailleurs, une étude (1) portant sur 330 étudiants a identifié une corrélation significative entre les régimes amaigrissants, le fait de sauter des repas et le risque de troubles de l’alimentation chez les deux sexes. 

Les personnes souffrant de TCA, limitant leur apport calorique en consommant des repas et collation de manière irrégulières ont tendance à subir davantage d’épisodes de frénésie alimentaire que ceux mangeant plus régulièrement, quand bien même si ces repas sont petits et peu caloriques.(2). Ce sont les jours de restrictions que surviennent principalement les compulsions. 

En conclusion, sauter des repas participe à l’entretien du trouble alimentaire et en conséquence des problématiques de poids. 

Sources

1- Kabakuş Aykut M, Bilici S. The relationship between the risk of eating disorder and meal patterns in University students. Eat Weight Disord. 2022 Mar;27(2):579-587. doi: 10.1007/s40519-021-01179-4. Epub 2021 Apr 21. PMID: 33881762.

2- Elran-Barak R, Sztainer M, Goldschmidt AB, Crow SJ, Peterson CB, Hill LL, Crosby RD, Powers P, Mitchell JE, Le Grange D. Dietary Restriction Behaviors and Binge Eating in Anorexia Nervosa, Bulimia Nervosa and Binge Eating Disorder: Trans-diagnostic Examination of the Restraint Model. Eat Behav. 2015 Aug;18:192-6. doi: 10.1016/j.eatbeh.2015.05.012. Epub 2015 Jun 10. PMID: 26122390; PMCID: PMC8686697.

 

Conclusions

Si effectivement sauter un repas est susceptible de faire maigrir sur une courte période grâce à l’induction de la diminution des apports caloriques totaux, il n’est pas possible d’affirmer que sauter un repas est favorable à la santé et à la gestion du poids car de nombreuses études soulignent tout le contraire.

En effet, sauter des repas semble davantage corrélé d’une part à une qualité nutritionnelle médiocre et de faibles apports en vitamines et minéraux et d’autre part à l’augmentation de la masse grasse abdominale, à l’insulinorésistance, aux maladies cardiovasculaires et aux troubles du comportement alimentaire.

Les études portant sur le jeûne intermittent soulignent l’effet inverse sur la santé tant que la prise alimentaire est décalée sur le début de journée et que l’alimentation reste nutritionnellement suffisante et satisfaisante. (je vous invite à lire les articles que j’ai écrit sur le sujet dans mon blog)

En outre, l’horloge biologique et sa synchronicité avec l’environnement sont des déterminants majeurs de la santé et du poids c’est pourquoi, pour resynchroniser son horloge biologique  il est important de : 

  • Dormir la nuit 
  • Respecter des moments suffisants à la lumière du jour
  • Manger sur les périodes diurnes
  • Ne pas sauter de repas 
  • Respecter des intervalles de repas de plus de 4h30
  • Respecter des phases de jeûne et notamment de jeûne nocturne
  • Manger équilibré pour apporter les éléments nutritionnels de régulation des gènes de l’horloge biologique

 

Article écrit par Katia Tardieu, diététicienne nutritionniste

 

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