Alimentation et cancer du sein
C’est à la faveur d’octobre rose, que j’ai choisi de rédiger un article traitant du rôle de l’alimentation dans la prévention et le suivi du cancer du sein. Si nous ne sommes pas capable de déterminer avec certitude les causes qui conduisent à la maladie, nous savons que la nutrition est un des facteurs clé de prévention (et de soin) du cancer du sein comme pour d’autres cancers ou maladies chroniques.
L’INCA (institut national du cancer) et le réseau NACRE (Réseau Nutrition Activité physique Cancer Recherche (Réseau NACRe) sont des ressources indispensables pour les professionnels et les patients souhaitant s’informer sérieusement sur ces sujets.
Cet article reprend notamment une compilation des données présentées par ces ressources et celles du rapport des données scientifiques synthétisées dans le rapport NUTRITION ET PRÉVENTION PRIMAIRE DES CANCERS : ACTUALISATION DES DONNÉES / Synthèse : rapport de 2015 Inca – Nacre.
Parmi tous les risques de cancer chez la femme, le cancer du sein est le plus fréquent (58 500 nouveaux cas) et il est la première cause de décès par cancer (12 100 décès).
Les causes possibles du cancer du sein sont multifactoriels, toutefois les données scientifiques récoltées ont permi d’établir un certain nombre de causes avérées (Les facteurs de risques avérés sont ceux pour lesquels les données disponibles sont suffisantes pour conclure avec certitude à l’existence d’un lien causal avec le cancer du sein.) ou possible (facteurs de risques pour lesquels les données disponibles sont encore insuffisantes pour conclure avec certitude à l’existence d’un lien causal avec le cancer du sein.) de ce cancer :
Facteurs de risque avéré |
Facteurs de risque probable |
| L’âge
Seins denses ou très denses (riche en tissus fibreux et glandulaire) La génétique Exposition longue aux hormones naturelles (ex : règles précoce, ménopause tardive) La contraception Le traitement hormonal de la ménopause Le diéthylstilbestrol Les rayonnements ionisants (rayons X, rayons gamma (traitements de radiothérapie…) La consommation d’alcool Le surpoids et l’obésité |
Tabac
Travail de nuit Dioxyde d’azote (polluant atmosphérique lié au trafic) Particules fines et leur composants (métaux lourds, hydrocarbures) Perturbateurs endocriniens de produits chimiques Digoxine (médicament utilisé dans les troubles cardiaque) Alimentation déséquilibrée et notamment insuffisante en fibres Manque d’activité physique |
Source : https://www.cancer-environnement.fr/fiches/cancers/cancer-du-sein/
Pour chaque facteur nutritionnel, un groupe d’experts disposant d’une expertise dans le champ de la nutrition et du cancer, a analysé les résultats des études disponibles les plus fiables afin de définir la nature de la relation (augmente ou diminue le risque) et le niveau de preuve associé (« convaincant », « probable », « suggéré », « non concluant » ou « effet improbable »). L’alcool, le surpoids et l’obésité, l’alimentation déséquilibrée (insuffisante en fibres en particulier) et le manque d’activité physique sont des facteurs nutritionnels sur lesquels il est possible d’agir pour réduire l’exposition au risque du cancer du sein.
LA CONSOMMATION DE BOISSONS ALCOOLISÉES EST ASSOCIÉES À UNE AUGMENTATION DU RISQUE DE CANCER DU SEIN avec un niveau de preuve convaincante
Les résultats de différentes méta-analyses sont en faveur d’une augmentation significative du risque de cancer du sein: de 13 % chez les femmes avant la ménopause et de 8 % chez les femmes après la ménopause pour une augmentation de la consommation d’éthanol de 10 g/jour.
Pour rappel une dose de 10g d’éthanol par jour représente la consommation d’un verre d’alcool (dose servie habituellement au bar)
Mécanisme d’action suspecté : la consommation d’alcool augmenterait les taux d’hormones stéroïdes circulantes (oestrogènes, androgènes) et agirait sur les récepteurs hormonaux, mécanisme impliqué dans le cas du cancer du sein.
Zoom nutrition : les recommandations de santé publique ciblent une consommation de moins de 10 verres d’alcool par semaine (10 doses de 10g d’éthanol). L’idéal étant 0. Pour le cancer du sein, le risque augmente dès une consommation de moins d’un verre par jour
LE SURPOIDS ET OBÉSITÉ sont des facteurs de risque probables de cancer du sein
En 2015, en France, il a été estimé que 4507 cas de cancer du sein survenant après la ménopause (soit 8 % de l’ensemble des cancers du sein) seraient attribuables au surpoids et à l’obésité (CIRC, 2018). Et plus une femme prend du poids à l’âge adulte, plus son risque de cancer du sein post-ménopausique augmente.
L’ensemble des données de la littérature en 2015 permet de conclure qu’avant la ménopause, la surcharge pondérale (reflétée par l’IMC) réduit le risque du cancer du sein.
Après la ménopause, la surcharge pondérale (reflétée par l’IMC) est associée à une augmentation du risque de cancer du sein avec un niveau de preuve « convaincant ».
Mécanisme d’action suspecté : Le tissu adipeux est riche en aromatase (qui convertit les androgènes en oestrogènes) ce qui augmente les taux circulants d’oestrogènes, même chez les femmes ménopausées. Les cellules de la glande mammaire, riches en récepteurs aux oestrogènes, sont particulièrement sensibles aux effets stimulateurs de ces hormones sur la prolifération cellulaire.
Zoom nutrition : il est recommandé de maintenir un IMC entre 19 et 25 et de limiter les facteurs de prise de poids à l’âge adulte, notamment après la ménopause.
UNE CONSOMMATION ÉLEVÉE DE VIANDE ROUGE EST associée à une augmentation du risque de cancer du sein avec un niveau de preuve suggéré
Les données données encore peu nombreuses ne permettent pas de conclure quant à l’association entre consommation de charcuteries et cancer du sein (niveau de preuve « non concluant »).
Pour la consommation de viandes rouges, le niveau de preuve de l’augmentation du risque de cancer du sein est « suggéré ».
Zoom nutrition : il est recommandé de limiter sa consommation de viande rouge (boeuf, veau, agneau, mouton, cheval, porc) à moins de 500g par semaine.
LA CONSOMMATION DE PRODUITS LAITIERS EST ASSOCIÉE à une diminution du risque de cancer du sein avec un niveau de preuve suggéré
Sur la base d’une méta analyse de 2011 présentant une diminution du risque de cancer du sein de 4% pour des consommation de 200g par jour, et de 21% pour des consommations les plus élevées, le niveau de preuve de la diminution du risque de cancer du sein associée à la consommation de produits laitiers totaux est qualifié de « suggéré »
Zoom nutrition : chez l’adulte, il est recommandé de consommer 2 produits laitiers par jour (yaourt, lait, fromage blanc, petit suisse, fromage…) en évitant les produits gras.
UNE ALIMENTATION RICHE EN FIBRES EST ASSOCIÉE à une diminution du risque de cancer du sein avec un niveau de preuve probable
En 2015, en France, il a été estimé que 2315 cas de cancer du sein survenant après la ménopause (soit 4 % de l’ensemble des cancers du sein) étaient attribuables à une alimentation déséquilibrée. L’estimation du CIRC a attribué l’ensemble des cas à une consommation insuffisante de fibres (CIRC, 2018).
Plusieurs mécanismes pourraient expliquer ce lien :
- réduction de la sécrétion d’insuline et de l’insulino-résistance,
- diminution des concentrations dans le sang d’hormones et facteurs de croissance qui jouent un rôle dans la prolifération cellulaire,
- accélération du transit intestinal et donc diminution de l’exposition du côlon aux cancérogènes potentiellement présents dans les selles,
- au niveau colique, sous l’action du microbiote, les fibres sont aussi à l’origine de la production d’acides gras à chaîne courte dotés de propriétés anti-inflammatoires et antiprolifératives.
- Contribution à diminuer le risque de surpoids et d’obésité
Zoom nutrition : il est recommandé de consommer au moins 25g de fibres par jour (via les fruits, légumes, graines, légumineuses)
LA PRATIQUE D’UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE SUFFISANTE EST ASSOCIÉE à une diminution du risque de cancer du sein avec un niveau de preuve probable
L’activité physique (AP) se définit par tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation de la dépense énergétique supérieure à celle de la dépense de repos.
Elle inclut tous les mouvements effectués dans la vie quotidienne (sport de loisirs, de compétition, activités pratiquées dans la vie professionnelle ou de la vie courante telles que les activités ménagères)
L’activité physique est en général exprimée par son intensité en unité d’équivalent métabolique ou « metabolic equivalent of task » (MET), sachant qu’1 MET correspond à la dépense énergétique d’un individu au repos, assis (estimée à environ 1 kcal par kg de poids
corporel par heure).
L’intensité d’une AP exprimée en MET correspond donc à son intensité rapportée à la dépense de repos.
Ainsi, différentes intensités d’AP sont définies :
- très faible intensité: 1 à 1,5 MET (inférieure ou égale à une fois et demie la dépense de repos);
- faible intensité: 1,6 à moins de 3 MET
- intensité modérée: 3 à moins de 6 MET
- intensité forte (ou soutenue): 6 MET et plus
La pratique d’une activité physique est associée à une diminution du risque de cancer du sein avant la ménopause et après la ménopause avec un niveau de preuve « probable ».
Mécanismes protecteurs possibles :
Avant la ménopause, l’effet protecteur passe par l’effet sur le contrôle du poids et la diminution des taux d’hormones stéroidiennes, l’augmentation de la sensibilité à l’insuline, la diminution des adipokines, du stress oxydant, l’augmentation des fonctions immunitaires.
Concernant les cancers du sein après la ménopause, l’activité physique exercerait un rôle protecteur, notamment en diminuant le taux d’estrogènes et en stimulant l’immunité (augmentation du nombre et/ou de l’activité des macrophages et des lymphocytes).
Zoom nutrition : Il est recommandé de pratiquer au moins 150 minutes d’activité d’intensité modérée chaque semaine (idéal 300 minutes) OU de pratiquer 75 minutes par semaine d’activité intense (idéal 150 minutes).
L’ALLAITEMENT MATERNEL est un facteur protecteur du cancer du sein avec un niveau de preuve convaincant
Le fait d’avoir allaité son enfant est associé à une diminution du risque de cancer du sein avec un niveau de preuve convaincant. Une métaanalyse de 2013 compilant 69 études d’observation montre une diminution significative de 11 % du risque de cancer du sein chez les femmes ayant déjà allaité comparées à celles n’ayant jamais allaité.
Le mécanisme suggéré est lié à la diminution des taux sanguins d’hormones sexuelles (oestrogènes, androgènes) pendant la période d’aménorrhée de l’allaitement.
SOJA ET CANCER DU SEIN : un lien controversé : la prudence est de mise
Bien que le soja soit une excellente source de protéines végétale consommées depuis des millénaires en Asie, la légumineuse contient également des molécules actives appelées isoflavones qui sont des substances proches des hormones féminines capables de se fixer sur des récepteurs présents sur divers organes (sein, utérus, thyroïde, prostate…), et ainsi de moduler les voies de régulation hormonale. Parmi les différents végétaux contenant des isoflavone, le soja en est particulièrement riche.
La science n’a pas encore réussi à évaluer les effets sur la santé : bénéfices ou risques, il n’est pas encore possible de trancher car il existe de nombreuses études contradictoires sur le sujet.
Il existe une vraie controverse concernant le risque de cancer du sein associé à la consommation de soja.
RECOMMANDATIONS D’EXPERTS
Le soja d’origine alimentaire et les compléments alimentaires à base de soja disposent de recommandations distinctes, les compléments alimentaires, dont les doses de phytooestrogènes sont plus élévés, devant être évités.
Devant l’absence de consensus, les experts invitent à la prudence quant à la consommation des aliments à base de soja dans différentes populations (population générale, femme enceinte, nourrisson…)
En population générale, à titre préventif, l’AFSSA (aujourd’hui ANSES) estime que les consommateurs devraient éviter de cumuler différentes sources de phyto-estrogènes, par exemple plusieurs aliments dérivés du soja, en particulier si leurs teneurs en phyto-estrogènes ne sont pas identifiées, et d’éviter les compléments alimentaires à base de soja.
En cas de cancer du sein, le soja peut être consommé dans l’alimentation dans le cadre d’une alimentation équilibrée, mais en quantité modérée et pas tous les jours. Les précautions s’appliquent d’autant plus pendant les traitements du cancer du sein
En cas de cancers hormono-dépendants du sein, de l’utérus ou des ovaires et lors d’un traitement à base de tamoxifène et de létrozole : Les compléments alimentaires à base de soja sont déconseillés
Dans tous les cas, un apport élevé en phytoestrogènes (supérieur à 1 mg/kg) à partir d’aliments à base de soja ou de compléments alimentaires n’est pas recommandé (accord d’experts)
ZOOM nutrition : Une consommation de plus de 1mg/kg de poids corporel/j d’isoflavones de soja n’est pas recommandée ni en prévention ni pendant un traitement du cancer du sein.
Une femme de 60 kilos devrait éviter de consommer plus de 60mg d’isoflavone de soja chaque jour.
La teneur dans les différents produits du commerce est extrêmement variable selon les produits et les marques mais on peut globalement estimer que 100g d’un produit à base de soja contient entre 10 et 30mg d’isoflavone.
En conclusion, pas plus de 1 produit à base de soja par jour, et pas tous les jours en cas de cancer du sein.
Sources :
https://www.cancer-environnement.fr/fiches/nutrition-activite-physique/soja-et-cancer-du-sein/
Flyer soja et cancer du sein – NACRE
THE VERT ET PREVENTION CANCER
Le thé et plus spécifiquement les feuilles de thé vert est une boisson riche en polyphénol (EGG : gallate d’épigallocatéchine (EGCG) aux propriétés anti inflammatoires et antioxydantes.
Toutefois, les méta analyses (études scientifiques de compilation), portant sur la consommation de thé vert et la survenue des cancers ne démontre pas d’association.
Comme tout produit particulièrement riche en antioxydant, il n’est pas recommandé de consommer des compléments alimentaires à base de thé vert durant les traitements, d’autant qu’à haute dose ils présentent également une toxicité hépatique.
Source :
Flyer thé vert et cancer – NACRE
LIENS ENTRE SUCRE ET CANCER
Si un lien indirect entre consommation excessive de sucre et augmentation des risques de cancers (ici cancer du sein après la ménopause) sont possibles via la prise de poids, des travaux sont en cours pour établir s’il existe un lien direct de cancer et la consommation de sucre.
On suggère des associations entre la consommation de sucre simple, celle de boissons sucrées et produits sucrés ainsi que la charge glycémique et un risque accru de cancers, notamment de cancers du sein. Et ce, indépendamment de la prise de poids.
Zoom nutrition : Les recommandations alimentaires ciblent une consommation de sucres simples inférieure à 100g par jour, sucre des fruits compris et hors sucre des laitages (lactose/galactose) ou une consommation de 50g de sucres maximum par jour hors fruits hors lactose des produits laitiers.
Sources :
Flyer sucre et prévention du cancer – réseau NACRE
https://www.inrae.fr/actualites/sucre-facteur-risque-cancer
JEUNE ET CANCER
Actuellement, il n’y a pas de preuves en faveur des pratiques de jeûne ou des régimes restrictifs de type régime cétogène/Kéto ou hypoglucidique/ sans sucres chez l’homme.
La plupart des études sont réalisées chez l’animal, de faibles qualité et non extrapolables à l’homme.
Source :
Flyer jeune et cancer – réseau Nacre
ALIMENTATION MÉDITERRANÉENNE ET PRÉVENTION DU CANCER DU SEIN
L’alimentation méditerranéenne a longuement été étudiée pour ses effets protecteurs, caractérisée comme une alimentation anti inflammatoire. De nombreuses maladies à composantes inflammatoires sont susceptibles de bénéficier d’une alimentation de ce type (ex : régime méditerrannéen, régime crétois) : l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, la stéatose hépatique, le syndrome métabolique, les maladies inflammatoires rhumatismales, la sclérose en plaque, l’intestin irritable, la maladie d’Alzeimer, la dépression, l’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques, les cancers. Le cancer du sein n’échappe pas à cette règle.
Zoom Nutrition : l’alimentation méditerranéenne décrit une alimentation riche en fruits et légumes, céréales complètes qui sont riches en fibres et polyphénol et divers autres composants antioxydants et antiinflammatoires. Parmi toutes les propositions de “régime” c’est bien la seule qui ne présente aucun danger et aucune forme de restriction caloriques, fournissant tous les éléments d’une alimentation suffisante, saine, agréable et durable.
Un prochain article traitera de l’alimentation durant et après le cancer du sein
Article rédigé par Katia Tardieu, diététicienne nutritionniste
Télécharger la fiche diététique