Le jeûne intermittent peut il être recommandé ? Partie 7
Cet article est le dernier article concernant le jeûne intermittent. Il est la synthèse des 6 précédentes parties que je vous conseille de lire si le sujet vous intéresse particulièrement.
SYNTHESE SUR LA PRATIQUE DU JEUNE INTERMITTENT ET SES EFFETS
Mon article de synthèse aboutit aux mêmes conclusions que l’auteur de cette revue de 2022 (1) : le jeûne intermittent produit une perte de poids légère à modérée, équivalente à une restriction calorique continue standard menant à une perte de 3 à 8% du poids initial en 8 à 12 semaines (soit un maximum de 8kg pour une personne de 100kg en 2 à 3 mois), elle est sans danger et sans effets secondaires majeurs. Les bénéfices potentiels sur la santé sont contradictoires et non concluants et on ne connaît pas bien la faisabilité à long terme du maintien de ce régime.
La célèbre revue Cochrane de 2021 portant sur le « jeûne intermittent pour la prévention des maladies cardiovasculaire” (2) a mené une enquête bibliographique très approfondie pour déterminer le rôle du jeûne intermittent dans la prévention et la réduction du risque de maladies cardio vasculaires chez les personnes avec ou sans antécédents tout en évaluant les effets sur le poids et les glycémies : elle conclut que d’une part il n’existait pas de preuves fiables pour savoir si le jeûne intermittent pouvait prévenir les maladies cardiovasculaires, et d’autre part que le jeûne intermittent pouvait aider les gens à perdre plus de poids que de «manger comme d’habitude» (c’est à dire pas de régime… ahah), mais qu’il était similaire aux régimes de restriction énergétique habituels.
A ce jour, il y a peu de raison de conseiller ou de soutenir la stratégie de jeûne intermittent comme étant un modèle absolu et plus efficace qu’un autre modèle pour perdre du poids. Tout au mieux, peut elle être proposée parmi d’autres stratégies (restriction calorique continue, diète méditerranéenne) si celle-ci semble plus acceptable et soutenable par le patient.
CONSEILS POUR LA PRATIQUE sans danger d’un régime de jeûne intermittent (ou Intermittent Fasting)
Elle est sans danger chez les personnes en bonne santé physique et mentale, à poids normal ou obèse
Elle n’est pas recommandée chez les personnes souffrant de dénutrition ou de troubles alimentaires, chez les enfants ou les adolescents en pleine croissance
Elle n’est pas conseillée chez ceux qui ne peuvent pas supporter facilement la faim
Elle peut conduire à ancrer des troubles alimentaires préexistants ou sousjacents
Elle aboutit à une perte de poids comme n’importe quel régime de restriction calorique
Elle n’aboutit pas à une perte de poids plus importante ou plus durable qu’un autre modèle de restriction calorique
Si elle semble plus efficace c’est en particulier parce que c’est un modèle de régime assez facile à suivre (moins d’abandon du régime)
Elle peut aboutir à une amélioration de certains biomarqueurs sanguins (….)
Elle peut en théorie être un outils de prévention de certaines maladies chronique : ce phénomène est lié à la perte de poids et peut être atteint avec d’autres méthodes alimentaires plus ou moins restrictives (place du régime méditerrannéen ou autres méthodes de restriction caloriques moins strictes)
Elle n’aboutit pas à une perte de poids plus importante à moyen terme qu’un autre régime de restriction calorique sauf si pour un individu donné cette pratique est mieux tolérée à long terme.
La perte de poids estimée attendue pourrait être de -1,8% du poids à 2 semaines et -8% à 8 semaines
Mal mené, ce modèle de régime peut aboutir à une restriction calorique et protéique trop importante pouvant mener à une perte de masse maigre et musculaire
Ces pertes de masses musculaires peuvent être contenues :
- Par un apport protéique suffisant sur le temps d’alimentation (au moins 0,8g/kg ??)
- Par un apport calorique minimum sur la période « nourrie » du jeune intermittent – rappelons que des apports caloriques <50% des besoins sont appelés « régime de famine »(besoin calorique moyen pour un individu = 2000 à 2500 kcal par jour)
Lors de la pratique du jeûne intermittent, il est pertinent de choisir ses repas durant la phase active (le jour). Il n’est pas pertinent de choisir ses repas sur les temps de repos (la nuit chez l’homme), comme le montrent les modèles animaux et le travail posté chez les humains. Manger la nuit chez l’homme s’avère être corrélés à la prise de poids et les maladies métaboliques.
Ce qui semble intéressant à la fois sur le poids et la santé serait d’éliminer les repas nocturnes et de prolonger la phase de jeûne nocturne : celà signifie t’il qu’il est pertinent de sauter le petit déjeuner ? NON car les études relatives au petit déjeuner démontrent l’effet positif du petit déjeuner sur la santé et le maintien du poids.
CONCLUSIONS
Bien que ces pratiques de jeûne permettent effectivement d’obtenir une perte de poids, des améliorations de glycémie et d’autres marqueurs biologiques, il ne semble pas que ces approches démontrent de bénéfices supérieurs aux modèles habituels de restriction calorique continue, à l’exception peut être d’un jeûne intermittent de type “early” qui consiste à manger précocement dans la journée. Non seulement les résultats ne semblent pas à la hauteur des promesses attendues, mais les patients s’obstinent parfois à suivre et reproduire des schémas de restriction potentiellement néfastes à leur santé physique et psychique.
A minima insistera t’on sur les points suivants :
- la prise des repas sur les périodes diurne dans le respect des rythmes circadiens
- allonger le jeûne nocturne en dinant le plus tôt et petit déjeunant le plus tard (sans nécessairement sauter le petit déjeuner)
- éviter les diners trop énergétiques et favoriser les apports plus importants sur la première partie de journée
- apporter à l’organisme au moins 75% de ses besoins caloriques quotidien sur la période nourrie
Au delà de ces premiers conseils, une restriction calorique (même modérée) est en général indispensable pour induire une perte de poids associée à un apport protidique suffisant pour limiter la perte de masse maigre et associée à un exercice physique.
SOURCES
1- Varady, K.A., Cienfuegos, S., Ezpeleta, M. et al. Clinical application of intermittent fasting for weight loss: progress and future directions. Nat Rev Endocrinol (2022). https://doi.org/10.1038/s41574-022-00638-x
2- Allaf M, Elghazaly H, Mohamed OG, Fareen MF, Zaman S, Salmasi A-M, Tsilidis K, Dehghan A. Intermittent fasting for the prevention of cardiovascular disease. Cochrane Database of Systematic Reviews 2021, Issue 1. Art. No.: CD013496. DOI: 10.1002/14651858.CD013496.pub2.
Article rédigé par Katia Tardieu, diététicienne nutritionniste