Prédire sa perte de poids c’est possible (ou presque)
Les nouveaux modèles mathématiques sont capables de mieux prédire la perte de poids d’un individu. Ces nouveaux modèles, contrairement aux anciens, sont capables d’intégrer les connaissances sur le fonctionnement du métabolisme humain et la manière dont il réagit aux changements de l’apport et des dépenses énergétiques lors d’un régime ou de modification de l’exercice physique.
Les anciens modèles de prédiction surestimaient largement l’ampleur et la vitesse de perte de poids (jusqu’à 100% supérieure) contrairement à ces nouveaux modèles qui sont beaucoup plus proches de la réalité.
Toutefois ces modèles mathématiques ont des limites. Ces limites sont celles liées à l’inexactitude des besoins énergétiques de base d’un individu. Celle-ci peut être calculée à partir de formules mathématiques qui donneront qu’une estimation de la dépense calorique (à partir de l’age, du sexe, de la taille et du poids) MAIS il existe une grande intervariabilité entre les individus, liée notamment à leur composition corporelle, leur fonctionnement physiologique, les facteurs génétiques.
La réponse de l’organisme d’un individu à une perte de poids n’est pas parfaitement prédictible et il est possible que la réaction métabolique à la restriction calorique induise une suppression de la dépense énergétique supérieure à la moyenne.
Cette incertitude relative aux besoins énergétiques de base d’un individu donné (incertitude supérieure à 5%) se traduit par une intervariabilité dans la perte de poids attendue, même si le régime est parfaitement suivi. Sans compter qu’avec le temps, l’adhésion au régime est de plus en plus faible, ce qui rend les résultats encore plus incertains.
LA PRISE DE POIDS selon les modèles dynamiques
Un déséquilibre entre l’apport énergétique et la dépense énergétique s’explique par un gain ou une perte de graisse corporelle et de tissu maigre qui évoluent généralement en parallèle.
La prise de poids s’accompagne de prise de masse grasse mais aussi d’eau, de muscles, de tissus organiques tandis que la perte de poids s’accompagne d’une diminution de ces différents compartiments.
Les modèles mathématiques nous prédisent que pour entretenir une augmentation du poids, il faut un apport énergétique continu d’au moins 0.9 MJ/jour d’excédent (soit 215 kcal kcal minimum de trop par rapport à ses dépenses afin d’entretenir la prise de poids)
LA PERTE DE POIDS selon les modèles dynamiques
Les recommandations officielles répandues du National Health Service au Royaume-Uni, des National Institutes of Health et de l’American Dietetic Association aux États-Unis indiquent à tort qu’une réduction de l’apport énergétique d’environ 2 MJ (Env 478 kcal) par jour entraînera une perte de poids lente et régulière d’environ 0· 5 kg par semaine. Cette règle de prédiction de perte de poids est dite “statique”. On connaît également cette règle sous le nom de règle des 3500 kcal par livre soit 3500 kcal pour 0.45 kg de perdu) qui a été dérivée d’une estimation du contenu énergétique du poids (NB : 1kg de poids représente environ = 7000 kcal de stockés). Cette règle ignore les adaptations physiologiques dynamiques qui accompagnent la perte de poids et qui entraînent des changements à la fois du taux métabolique au repos et du coût énergétique de l’activité physique.
En effet, plus l’individu pèse lourd, plus il dépense de calories ! Donc quand il maigrit, son niveau de dépense énergétique diminue.
A la fois car l’individu qui pèse plus lourd a une dépense de repos plus importante, mais également parce que chacun des mouvements et exercices physiques nécessitent une dépense énergétique plus importante.
PRÉDICTION DE PERTE DE POIDS EN EXEMPLE à l’aide de l’outil mathématique
Exemple 1 :
Homme de 52 ans, 110 kcal pour une taille de 180 cm ne pratiquant pas d’activité physique
Il souhaite perdre 30 kg en 6 mois
Afin de maintenir son poids actuel, cet homme peut manger 3157 kcal par jour
Afin de perdre 30 kg en 6 mois, et sans modifier son activité physique, cet homme devra manger quotidiennement 1323 kcal par jour.
Afin de stabiliser son poids final de 80 kg, cet homme devra manger 2534 kcal par jour.
- A 3 mois du régime il est prévu qu’il ait atteint un poids moyen de 92,9 kg (95,7 kg à 90,1 kg)
- A 6 mois, son poids final estimé est de 81 kg avec une variable d’incertitude allant de 72 à 90 kg
Mon avis : Pour atteindre son objectif en 6 mois, la restriction calorique à appliquer de 1300 kcal est assez élevée et me semble difficile à maintenir strictement sur cette période.
Il serait préférable de fixer son objectif à au moins 1 an afin d’appliquer une restriction calorique plus acceptable d’environ 2000 kcal par jour.
Si cet homme décide en plus d’intégrer de l’activité physique soit 30 minutes de marche par jour, la ration de régime peut être augmenté à 2200 kcal par jour.
Exemple 2 :
Femme de 45 ans 1m60 pour 85kg, ne pratiquant pas d’activité physique.
Elle souhaite perdre 30kg en 6 mois sans augmenter son niveau d’activité physique..
Pour maintenir son poids actuel, cette femme peut manger 2347 kcal par jour
Pour perdre ses 30kg, il lui faudra appliquer un régime continu de 563 kcal par jour durant 3 mois.
NB : cet apport calorique est très faible et n’est pas compatible avec une alimentation équilibrée
Pour maintenir son nouveau poids de 55kg, cette femme devra consommer 1743 kcal par jour.
- A 3 mois du régime il est prévu qu’il ait atteint un poids moyen de 67,6 kg (70,3kg à 64,7kg)
- A 6 mois, son poids final estimé est de 81 kg avec une variable d’incertitude allant de 65,6 kg pour les petits perdeurs à 47,7 kg pour les grands perdeurs
Mon avis : Pour atteindre son objectif en 6 mois, la restriction calorique à appliquer de 563 kcal par jour. cette ration est INCOMPATIBLE avec une alimentation équilibrée, elle est très sévère et risque de mener le patient vers un échec, sans compter les risques de développer des troubles du comportement alimentaire.
La patiente doit absolument revoir son objectif. Il serait préférable de fixer son objectif à au moins 1 an afin d’appliquer une restriction calorique plus acceptable d’environ 1250 kcal par jour. (et encore celà reste bas)
Si cet femme décide en plus d’intégrer de l’activité physique soit 30 minutes de marche par jour, la ration de régime peut être augmenté à 1376 kcal par jour.
LA PERTE DE POIDS EN RÉALITÉ RESTE MODESTE
On s’interroge depuis longtemps sur les résultats très modestes de perte de poids chez les patients en obésité. Une revue de littérature en à étudié les aspects. En effet, la plupart du temps, la perte de poids est inférieure à celle prédite et 2 causes dont une principales ont été identifiées :
1/ Elle n’est pas due à des adaptations gastro-intestinales (dans la littérature disponible, la fraction alimentaire absorbée est inchangée par rapport au départ du régime )
2/ Dans une moindre mesure elle est liée à des adaptations métaboliques
2/ Elle peut être attribuée surtout, et par déduction, à des difficultés d’observance du patient pour le régime alimentaire !
EN CONCLUSION
La perte de poids dans un temps donné peut être prédite grâce à des nouveaux modèles mathématiques dynamiques qui prennent en compte les modifications métaboliques liées à la perte de poids et à la restriction calorique. Cette prédiction permet d’établir la ration calorique de régime et de stabilisation pour atteindre et maintenir l’objectif de poids cible.
Le modèle mathématique prend en compte une variable d’incertitude liée à la physiologie individuelle prédisant que certains individus perdront plus que d’autres.
Toutefois ceci implique que l’individu au régime applique scrupuleusement la ration calorique prescrite durant tout le temps de la perte de poids, or on sait bien aujourd’hui que la perte de poids réelle est souvent très éloignée des prédictions car les individus en situation de vie libre ont de très nombreuses difficultés à observer la prescription.
L’objectif de perte de poids dans un temps donné doit être compatible avec une alimentation équilibrée avec une bonne faisabilité pour le patient. Un objectif trop ambitieux (poids/durée) nécessite une restriction calorique trop importante menant à un risque de carences, de troubles du comportement alimentaire et aboutit à un échec quasi assuré.
En tout état de cause, l’alimentation pour maintenir le nouveau poids est supérieure à la ration calorique de régime (il ne faut pas craindre d’augmenter la ration calorique à la fin du cycle de perte de poids) mais celle ci devra rester inférieure à l’alimentation ayant permi la constitution du surpoids, sous peine de reprendre le poids perdu.
Adopter un exercice physique régulier est dans tous les cas très utile pour optimiser la perte de poids et le maintien du nouveau poids.
SOURCES
1/Egan, A., & Collins, A. (2022). Changements dynamiques de la dépense énergétique en réponse à la sous-alimentation : une revue. Actes de la Nutrition Society, 81 (2), 199-212.Doi:10.1017/S0029665121003669
2/ Hall KD, Sacks G, Chandramohan D, Chow CC, Wang YC, Gortmaker SL, Swinburn BA. Quantification of the effect of energy imbalance on bodyweight. Lancet. 2011 Aug 27;378(9793):826-37. doi: 10.1016/S0140-6736(11)60812-X. PMID: 21872751; PMCID: PMC3880593.
3/ Kevin D. Hall, Steven B. Heymsfield, Joseph W. Kemnitz, Samuel Klein, Dale A. Schoeller, John R. Speakman, Energy balance and its components: implications for body weight regulation, The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 95, Issue 4, April 2012, Pages 989–994, https://doi.org/10.3945/ajcn.112.036350
4/ Steven B Heymsfield, Joyce B Harp, Marc L Reitman, Joel W Beetsch, Dale A Schoeller, Ngozi Erondu, Angelo Pietrobelli, Pourquoi les patients obèses ne perdent-ils pas plus de poids lorsqu’ils sont traités avec des régimes hypocaloriques ? Une perspective mécaniste, The American Journal of Clinical Nutrition , Volume 85, Numéro 2, Février 2007, Pages 346–354, https://doi.org/10.1093/ajcn/85.2.346
Sites calculateur de prédiction de perte de poids
https://www.niddk.nih.gov/health-information/weight-management/body-weight-planner?dkrd=lgdmn0001
https://www.pbrc.edu/research-and-faculty/calculators/weight-loss-predictor/
Article écrit par Katia Tardieu, diététicienne