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Suis je carencé en vitamines ou minéraux ?

13 septembre 2025

On peut légitimement se demander ou s’inquiéter si la manière dont on mange satisfait nos besoins pour nous maintenir en bonne santé. D’ailleurs, l’offre de supplémentation nutritionnelle en pharmacie, parapharmacie ou sur internet via les réseaux sociaux nous rappelle tous les jours l’intérêt pour nous consommateur d’en faire des cures pour notre mieux être, pour prévenir les maux de l’hiver, pour maintenir une bonne santé cognitive ou physique ou prévenir les grandes pathologies chroniques.

 

Des repères nutritionnels connus au niveau de la population

Nous avons une bonne connaissance des besoins nutritionnels individuels pour les différents profils de personnes en bonne santé (adultes hommes et femme, enfant, femme enceinte ou allaitante, personnes âgées, sportifs). L’ANSES à mis a jour et publié les références nutritionnelles pour la population, utilisés comme repères pour optimiser la santé de tous les français.

Ces repères ont été définis pour couvrir les besoins de 97,5 % de la population. 

En réalité, les besoins nutritionnels réels individuels sont relativement disparates dans la population et se distribuent selon une courbe en cloche, certains ayant des besoins plus élevés que d’autres. Les apports de référence de la population définis par l’ANSES se situent deux écarts-types (2sd) au-dessus des besoins moyens (average requirement) ce qui permet de couvrir les besoins de 97,5% de la population. (Le seuil d’apport minimal se situe deux écarts-types en dessous des besoins moyens) ce qui signifie que 97,5% de la population est probablement sur couverte (sans risque de dépasser les limites supérieures de sécurité) et que 2,5% ne seront pas couverts par les RNP. 

 

 

Sources 

https://www.anses.fr/fr/content/les-references-nutritionnelles-en-vitamines-et-mineraux

https://www.anses.fr/fr/content/publication-des-nouvelles-references-nutritionnelles-en-vitamines-et-mineraux-pour-la

https://www.anses.fr/system/files/NUT2012SA0103Ra-2.pdf

https://www.anses.fr/system/files/NUT2018SA0238Ra.pdf

 

 

Normalement, une alimentation équilibrée, telle que définie par les recommandations du PNNS, et suffisante en énergie satisfait les différents besoins des personnes en bonne santé. Il n’est donc pas utile d’y ajouter la prise de compléments alimentaires, d’autant que la prise de compléments alimentaires peine à prouver son efficacité en prévention des maladies aiguës ou chroniques ou en diminution des risques de mortalité. Notons également le risque de dépasser les limites supérieures de sécurité en cas de cumul de plusieurs compléments alimentaires. 

 

 

Une supplémentation inutile en prévention 

Peu d’essais portant sur des vitamines et minéraux, pris individuellement ou en association, pour la prévention des maladies chroniques (cancer, DMLA, MCV) ont produit des effets, les preuves pour la prévention de ces pathologies sont bien minces ! 

Par exemple il est assez courant de se supplémenter en Vitamine C l’hiver pour prévenir l’apparition des rhumes : la controverse existe depuis plusieurs dizaines d’années sur le bénéfice de cette supplémentation. Une revue de la littérature Cochrane (the best of), compilant de nombreuses études sur le sujet a conclu que la supplémentation en Vitamine C ne réduisait pas la fréquence d’apparition des rhumes dans la population générale, tout en permettant peut être de réduire la durée des symptômes de rhumes à des doses > à 0.2g de Vitamine C par jour (0.2g (200mg) correspondant à l’équivalent en vitamine C de 3 kiwis. 

Les résultats sont similaires pour le zinc : peu ou pas d’effet sur la prévention du rhume

Sources 

https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD000980.pub4/full?highlightAbstract=c%7Cvitamine%7Cvitamin) https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD014914.pub2/full?highlightAbstract=supplementation%7Cmineral%7Cmultivitamin%7Csupplement%7Cminer

 

Concernant la prévention des maladies cardiovasculaires, plusieurs méta analyses ont abouti à la même conclusion : aucun effet protecteur démontré de la prise de multivitamines et minéraux

Source

https://www.ahajournals.org/doi/full/10.1161/CIRCOUTCOMES.117.004224?url_ver=Z39.88-2003&rf=)

 

Les résultats sont également décevants vis à vis de la prévention de la DMLA ou prévenir la démence liée à l’âge. 

Source  

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0002916523279009?via%3Dihub

 

Concernant la prévention du risque de mortalité, la supplémentation multivitamine et minéraux n’a présenté aucune efficacité.

Source

Macpherson, H., Pipingas, A., & Pase, M. P. (2013). Multivitamin-multimineral supplementation and mortality: a meta-analysis of randomized controlled trials. The American journal of clinical nutrition, 97(2), 437-444.

 

En 2006, le NIH (National Institute of Health aux USA) déclare ne pas avoir réuni suffisamment de preuve d’efficacité des Suppléments multivitaminés pour recommander leur utilisation dans le but de prévenir les maladies chroniques. Il déclare également qu’il n’existe pas non plus de preuve suffisante allant contre leur utilisation. (NIH State-of-the-Science Conference Statement on Multivitamin/Mineral Supplements and Chronic Disease Prevention)

 

Les carences nutritionnelles en France sont rares 

Il y a peu de carences mais il existe souvent des insuffisances d’apport par rapport aux recommandations. 

Le rapport ESTEBAN réalisé entre 2014 et 2016 dans l’hexagone et portant sur questionnaire et examen de santé de 2 472 adultes et 794 enfants de 6 à 17 ans, souligne les points de vigilance à avoir en matières de statut en vitamine D, ferritine, folates sériques, vitamine A, vitamine E et caroténoïdes.

L’origine principale de ces carences pointe du doigt la consommation insuffisante de fruits et légumes chez certaines catégories de population.

 

Source

https://www.nutripro.nestle.fr/article/vitamines-mineraux-des-francais

https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2019/esteban-2014-2016-chapitre-dosages-biologiques-des-vitamines-et-mineraux-pas-de-deficit-important-ou-de-carence-a-grande-echelle

 

 

Des situations à risque de carences

Si dans la population française en bonne santé, les carences sont quasi inexistantes, elles peuvent survenir dans des situations particulières. 

On peut citer quelques situations à l’origine de carences nutritionnelles

 

1/ le déficit d’apport en lien avec une alimentation déséquilibrée, riche en produits ultratransformés, très sélective, et/ou restrictive/ insuffisante en énergie à l’origine de dénutrition  (EX: anorexie mentale, hypersélectivité alimentaire, régime pour maigrir ou restrictif, veganisme non supplementé, usage excessif d’aliments très transformés, grande précarité)

 

2/ les maladies ou les modifications du système digestif ou intestinal à l’origine de malabsorptions des macro ou micro nutriments (le corps ne retient pas ce qui est consommé) (chirurgie bariatrique, maladies inflammatoires intestinales, maladie coeliaque..)

 

3/ les pertes excessives de nutriments dans les maladies cardiovasculaires nécessitant un traitement diurétique chronique, les diarrhées chroniques, la dialyse, les polytraumatismes sévères…

 

4/ L’augmentation des besoins , non compensé par une augmentation des apports

Ex grossesse, pratique intense de l’exercice, maladie chronique cachectisante, maladie inflammatoire

 

5/ L’usage de substances qui réduisent l’absorption, augmentent l’excrétion urinaire ou fécale, ou augmentent les besoins

Alcoolisme

Tabagisme

Prise de certains médicaments (Ipp par ex)

 

 

Dans certaines de ces situations, il peut paraitre sensé de mettre en place une supplémentation de précaution (d’ailleurs elle est assez systématisée chez les femmes enceinte, ou après une chirurgie bariatrique de type by pass), car l’alimentation ne parviendra pas à satisfaire les besoins. Mais en l’absence d’une carence avérée, il n’est même pas certain que celà apporte de réels bénéfices sur la santé (ou les preuves manquent actuellement) . 

Etant donné que ces suppléments sont sans risque à dose nutritionnelle on aurait sans doute tort de s’en priver.

 

Source

Revue médicale suisse : Micronutriments au quotidien : quoi de neuf ? Pr METTE M. BERGER Rev Med Suisse 2020 ; 16 : 226-7

 

Toutefois les études démontrent également que ceux qui ont tendance à se supplémenter sont ceux qui ont une meilleure hygiène de vie, donc sont ceux qui en ont le moins besoin !!

 

Source

McGinnis, J. M., Birt, D. F., Brannon, P. M., Carroll, R. J., Gibbons, R. D., Hazzard, W. R., … & Johanns, M. (2007). National Institutes of Health State-of-the-Science Conference Statement: multivitamin/mineral supplements and chronic disease prevention. American Journal of Clinical Nutrition85(1), 257S-264S.

 

 

Quels sont les symptômes d’une carence nutritionnelle ?

Les symptômes de carence sont très variables, plus ou moins intensément ressentis ou observables.

La fatigue par exemple peut être un symptôme lié à une carence nutritionnelle, toutefois ce symptôme non spécifique fourre tout peut être tout aussi bien lié à un déficit de sommeil, la pratique d’exercice physique intensive, la manifestation d’un burn out ou le développement d’une maladie sous jacente sans aucun lien avec l’alimentation.

La carence franche en certaines vitamines peut être à l’origine de maladie présentant un tableau clinique plus spécifique (associé à la fatigue qui est un signe non spécifique) par exemple :

La carence en vitamine C (rare) provoque le scorbut dont une des manifestations sont des saignements des gencives et le déchaussement des dents

La carence en vitamine B1 à l’origine du Beri beri dont les symptômes sont des troubles neurologiques ou une insuffisance cardiaque

La carence en vitamine A, a l’origine de troubles oculaires débutant par une cécité nocturne.

La carence en iode pouvant provoquer un goitre et une hypothyroïdie…

 

 

Comment dépister une carence nutritionnelle ?

Le diagnostic effectué par un médecin conjugue les différents signes cliniques qui sont confirmés par des marqueurs biologiques (sanguins, urinaires) si des marqueurs fiables existent associés à d’autres tests et examens.

Les résultats obtenus sont comparés aux cut off ou aux seuils définis par la communauté scientifique.

Pour certains marqueurs biologiques ces seuils retenus délimitant le normal du pathologique sont controversés. (Ex pour le fer et la vitamine D). Dans d’autres cas, le marqueur dosé ne reflète pas parfaitement l’état des réserves.

 

 

Comment traiter une carence nutritionnelle ?

Si la prise de complément alimentaire en vitamine ou minéraux est controversée pour les personnes en bonne santé, elle est justifiée et nécessaire en cas de carence diagnostiquée.

Une supplémentation orale ou injectable est proposée comme traitement sous supervision médicale.

 

Comment éviter une carence nutritionnelle ?

La littérature scientifique converge vers l’idée qu’il faut au moins 1500 à 1600 kcal par jour pour espérer approcher la satisfaction des besoins nutritionnels en sélectionnant des aliments à haute densité nutritionnelle et sans avoir recours aux suppléments.

En dessous de 1200 kcal, il est en effet impossible de satisfaire ses besoins, même en sélectionnant les aliments les plus denses en micro nutriments. 

Bien que la supplémentation micronutritionnelle soit envisageable en précaution en cas de restriction calorique considérant l’impossibilité de couvrir les besoins individuels théoriques, il existe encore une grande méconnaissance de la dynamique des micronutriments au cours de la restriction calorique. Il existe en réalité un équilibre dynamique complexe entre les apports alimentaires, l’absorption intestinale, la libération des réserves, l’excrétion urinaire ou fécale et la concentration sérique ce qui ne permet pas de confirmer avec exactitude l’effet de la restriction et de la supplémentation chez un individu donné.

Un certains nombre d’études ou d’observations ont mis en évidence la variabilité des concentrations sanguines des vitamines et minéraux lors de la restriction calorique a court terme parfois à la hausse, parfois à la baisse, parfois inchangés ainsi que l’absence de symptômes cliniques manifestes de carences à court terme.

Ceci signifie qu’un bilan sanguin ne permet pas toujours d’objectiver ni une carence ni que tout va bien, alors que le bilan est normal.

 

Source

Zhang W, Chen P, Huo S, Huang X, Zhao Y. Requirements for essential micronutrients during caloric restriction and fasting. Front Nutr. 2024 Feb 28;11:1363181. doi: 10.3389/fnut.2024.1363181. PMID: 38481969; PMCID: PMC10936542.

 

En consultation diététique, on peut identifier les risques de carences en cas de situation particulière (grossesse, chirurgie de l’intestin, maladie de l’intestin, tabac, alcool…) pour surveiller l’adéquation des apports alimentaires et conseiller une supplémentation sous la supervision du médecin. 

 

Eviter les risques d’un surdosage en vitamines et minéraux

Des effets indésirables peuvent survenir chez les personnes consommant des compléments alimentaires dont la valeur dépasse la limite supérieure de sécurité. Cela peut se produire non seulement chez les personnes consommant des compléments mononutriment puissants, mais aussi chez celles qui suivent une alimentation saine, riche en aliments enrichis, en association avec des compléments de multivitamines et minéraux. 

L’ANSES en France définit des limites supérieures de sécurité pour les vitamines et minéraux : La LSS est définie comme l’apport journalier chronique maximal d’une vitamine ou d’un minéral considéré comme peu susceptible de présenter un risque d’effets indésirables sur la santé de toute la population. 

 

Sources

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/securite/produits_alimentaires/Complement_alimentaire/CA_Internet_RS_Nutriments.pdf

https://www.anses.fr/system/files/NUT2012sa0142.pdf

https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/efsa_rep/blobserver_assets/ndatolerableuil.pdf

 

Certaines supplémentations sont également déconseillées pour des sous-groupes de population. En France, la composition nutritionnelle des multivitamines et minéraux est règlementée et des limites de composition sont fixées par la règlementation en tenant compte des risques de dépassement des LSS.

 

 

 

 

 

Un Avis de l’Anses (Saisine n°2012-SA-0142) a permis de démontrer que le risque de dépassement des limites de sécurité était très marginal dans la population des adultes et celle des enfants, y compris parmi ceux prenant des compléments alimentaires et aliments enrichis.

 

 

Vers une consommation éclairée des suppléments de vitamines et minéraux

En résumé, il n’y a aucune indication à supplémenter en routine les adultes en bonne santé, ne présentant pas de carence objectivée et ayant une alimentation équilibrée. Non seulement les carences en France sont très rares, mais il n’y a aucune preuve de bénéfices de ces supplémentations en prévention ou en diminution des principaux risques de maladie chronique ou de mortalité.  

Toutefois, une supplémentation à dose nutritionnelle (non cumulative), bien qu’inutile à priori est sans risque de dépassement des limites de sécurité et peut être réalisée sans danger, quoi que nous n’ayons abordé ici que la supplémentation en vitamines et minéraux. 

En effet, il existe bien d’autres compléments alimentaires (phytothérapie (guarana, garcinia, berbérine, thé vert, curcuma, levure de riz rouge…),la mélatonine pour le sommeil, la créatine et poudre de protéines pour les sportifs, le collagène pour la peau et les articulations…. dont les bénéfices et la sécurité peuvent être largement discutés !

En revanche, il est des situations où la supplémentation est clairement indiquée, même si il est difficile de fournir les preuves solides du bénéfice de cette supplémentation. La restriction calorique, les régimes d’élimination (ex : vegan), les maladies et interventions touchant le tube digestif, l’alcoolisme ou le tabagisme sont des situations où la question mérite d’être posée. 

Pour limiter les risques liés au mésusage des suppléments alimentaires, l’ANSES recommande cinq conseils à suivre :

  • Demander conseil à un professionnel de santé,
  • Éviter les prises prolongées, répétées ou multiples,
  • Respecter les conditions d’emploi,
  • Être vigilant quant aux produits présentés comme miraculeux,
  • Privilégier les produits vendus dans les circuits les mieux contrôlés.

 

Et j’ajouterai qu’en premier lieu que pour éviter les carences il est nécessaire de chercher à équilibrer son alimentation avec l’aide d’un diététicien nutritionniste si nécessaire !

 

Article rédigé par Katia Tardieu, diététiciene nutritionniste

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